L'OBSERVATOIRE DE L'EUROPE
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Jeudi 31 Août 2017

Procédure contre la Pologne : des motivations injustes, un jeu dangereux


Pour Patrick Edery, les rodomontades d'Emmanuel Macron et de l'UE contre l'actuelle majorité polonaise sont à la fois injustes, motivées par des logiques politiciennes internes à la Commission et parfaitement contre-productives pour l'union européenne déjà minée, en particulier par le Brexit. Mais d'où vient cet acharnement ? Le vice-président de la Commission M. Timmermans, qui n'est pas un magistrat mais un dirigeant politique et dont le parti ne fait plus que 5,7%, condamne sans procès, par ses propos, un gouvernement démocratiquement élu. M. Macron, dont le raisonnement se base sur les condamnations de M. Timmermans, appelle au changement d'un gouvernement légitime et légal d'un pays membre de l'UE et de l'OTAN. Changement dont le premier bénéficiaire serait le parti du président du Conseil européen M. Tusk. fondateur du principal parti d'opposition polonais. Sans suffire à répondre au fond sur les reproches adressés par eux à l'actuel pouvoir polonais, il faut admettre que leurs véritables motivations sont suspectes. Enfin, la procédure de l'article 7 du traité pour atteinte aux valeurs de l'Union est déclenchée alors même que ses chances d'aboutir sont nulles puisqu'il faudrait, in fine, l'unanimité des Etats membres pour mettre au ban l'un des leurs.

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Diète polonaise

Les raisons contestables de l'ingérence d'Emmanuel Macron en Pologne, par Patrick Edery

M. Macron semble avoir trouvé le coupable à tous les maux de la France et de l'Europe: la Pologne. Déjà lors des présidentielles, en difficulté sur les délocalisations, il déclarait: «Dans les trois mois qui suivront mon élection, il y aura une décision prise sur la Pologne. Je mets ma responsabilité sur la table […]. On ne peut pas avoir un pays […] en infraction avec tous les principes de l'Union». Trois mois ont passé et nous en sommes toujours aux rodomontades.
 
 

Attardons-nous sur les faits: Varsovie respecte brillamment les critères de Maastricht. Certes, être en plein boom économique facilite les choses: 4% de croissance et 5% de chômage prévus en 2017. De plus, la Pologne alloue, comme l'OTAN l'a demandé, 2% de son PIB à la défense et vient même de décider d'octroyer une rallonge à son armée. En matière économique et de sécurité, elle, respecte donc ses engagements. On rétorquera que les reproches de M. Macron sont bien plus graves: «L'Europe […] s'est créée sur des […] libertés publiques qu'enfreint aujourd'hui la Pologne.» Lesquelles? L'Opposition manifeste autant qu'elle le désire. Personne n'est en prison en raison de ses opinions. L'écrasante majorité des médias privés, TV, journaux et magazines tirent sans arrêt à boulets rouges sur leur gouvernement.
 
 

La Cour de justice de l'Union européenne n'a jamais condamné Varsovie pour les faits reprochés par MM. Timmermans et Macron.
 
 

Il est vrai la Commission européenne, incarnée par son vice-président M. Timmermans, incrimine la Pologne régulièrement depuis deux ans. Mais Bruxelles n'a pas l'autorité de condamner, seulement d'investiguer. La Cour de justice de l'Union européenne, elle, n'a jamais condamné Varsovie pour les faits reprochés par MM. Timmermans et Macron. Certains diront que c'est la société civile polonaise elle-même qui condamne son gouvernement. Mais les deux principaux acteurs de la société civile que sont l'Église et le syndicat Solidarnosc sont favorables au gouvernement. On parle parfois de manifestations «de masse» en Pologne, mais les rassemblements de l'opposition attirent moins de 1% de la population. Le gouvernement polonais a été élu démocratiquement et selon les sondages, s'il y avait de nouvelles élections demain, il serait réélu haut la main.
 
 

En déclarant que «le peuple polonais mérite mieux que cela», M. Macron appelle de ses vœux à un changement de gouvernement en Pologne. Mais au profit de qui? M. Timmermans, en charge du dossier polonais à Bruxelles, mène les accusations contre Varsovie avec pour caution «polonaise» le président du Conseil européen M. Tusk. Ces deux hommes politiques, de la tendance La République En Marche, sont issus de partis qui ont subi dernièrement de cinglantes défaites électorales, et tous deux ont encore l'âge de revenir aux affaires dans leur pays respectif. Surtout M. Tusk est le fondateur du principal parti politique d'opposition en Pologne.
 
 

Résumons : M. Timmermans, qui n'est pas un magistrat mais un dirigeant politique et dont le parti ne fait plus que 5,7%, condamne sans procès, par ses propos, un gouvernement démocratiquement élu. M. Macron, dont le raisonnement se base sur les condamnations de M. Timmermans, appelle au changement d'un gouvernement légitime et légal d'un pays membre de l'UE et de l'OTAN. Changement dont le premier bénéficiaire serait le parti du président du Conseil européen M. Tusk. Tous trois sont de la même couleur politique. Aussi sans affirmer que les raisons de mettre la Pologne au ban de l'U.E. sont partisanes, elles sont pour le moins contestables.

De plus, cette volonté affichée des leaders européens de mettre au pas les voix dissonantes (Grèce, Hongrie et maintenant la Pologne), en plein Brexit, n'est-elle pas contre-productive dans la construction européenne? Ne renforce-t-elle pas le sentiment de déficit démocratique des institutions de l'U.E. aux yeux de ses citoyens ?


Patrick Edery est Président directeur général de Partenaire Europe, un cabinet de conseil originaire d'Europe centrale.


Source : Figarovox
 
 

 


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