L'OBSERVATOIRE DE L'EUROPE
Forum d'analyse et d'opinions pour un débat libre sur la construction européenne
Vendredi 13 Septembre 2013

En être...ou pas



En 2004, l'arrivée de dix nouveaux pays a accéléré les délocalisations. "Coût" de la main d'œuvre alléchant, marché unique, libre circulation des capitaux: on ne compte plus les établissements industriels qui se sont envolés vers la Pologne, la Slovaquie, la Roumanie... Symétriquement, la libre circulation de la main d'œuvre a multiplié les "plombiers polonais". Mais l'aspect sans doute le moins connu est l'énormité des flux financiers qui continue à se déverser tant sur les pays-candidats que sur les nouveaux entrants. A l'heure où l'on coupe à la hache dans les salaires, l'emploi et les services publics, chaque foyer français - par exemple - débourse plusieurs centaines d'euros par an pour financer des infrastructures rutilantes à l'est et au sud du continent.

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Bruxelles, la Commission européenne. (photo : L'Observatoire de l'Europe)
Avec la Turquie, les "négociations" d'adhésion à l'UE devraient reprendre en octobre, même si la conclusion du processus paraît plus lointaine que jamais. Pour la Serbie, le Conseil européen a fixé le début des discussions à janvier 2014. Ces derniers mois, Belgrade a multiplié les concessions - notamment en abandonnant de fait toute prétention sur son ancienne province du Kosovo - pour complaire à Bruxelles.

Paradoxalement, cette servilité est le fait des nouveaux gouvernants naguère qualifiés de "nationalistes" par l'UE. Nouvelle preuve que l'envie des dirigeants des pays-candidats d'être adoubés au sein du cénacle européen transcende les nuances politiques affichées.

Mais l'événement immédiat, c'est l'entrée de la Croatie, ce 1er juillet, comme vingt-huitième membre de l'Union européenne. L'expérience des précédents élargissements incite à l'inquiétude. La catastrophe annoncée (notamment des ces colonnes, cf. BRN du 29/04/04) n'a nullement été démentie par la réalité. En 2004, l'arrivée de dix nouveaux pays a accéléré les délocalisations. "Coût" de la main d'œuvre alléchant, marché unique, libre circulation des capitaux: on ne compte plus les établissements industriels qui se sont envolés vers la Pologne, la Slovaquie, la Roumanie...

Symétriquement, la libre circulation de la main d'œuvre a multiplié les "plombiers polonais". Selon une étude du ministère du Travail français, ce sont des centaines de milliers de travailleurs est-européens qui sont exploités ici en marge de la légalité, par exemple par des groupes du bâtiment recourant à la sous-traitance en cascade. A la clé: dumping salarial et social en France (et disparition de nombreux artisans).

Mais l'aspect sans doute le moins connu est l'énormité des flux financiers qui continue à se déverser tant sur les pays-candidats que sur les nouveaux entrants. A l'heure où l'on coupe à la hache dans les salaires, l'emploi et les services publics, chaque foyer français - par exemple - débourse plusieurs centaines d'euros par an pour financer des infrastructures rutilantes à l'est et au sud du continent. Inutile de préciser que Bouygues et Vinci ne sont pas absents des juteux appels d'offre.

La Commission vient par exemple de débloquer 4,5 milliards d'euros pour construire de superbes autoroutes en Roumanie. Problème cependant: cette manne financière constitue un puissant encouragement à la corruption. Face à cela, Bruxelles suggère la nomination de patrons étrangers pour les groupes publics du cru. "Pourquoi ne pas imaginer qu'un manageur allemand gère la poste grecque, Pour moi, cette mobilité est la phase ultime de la construction européenne" s'enthousiasme un homme d'affaires belge cité par Le Monde (22/06/13)
En matière de corruption, le nouveau venu croate (donc l'économie est en récession, et dont le taux de chômage dépasse 20%) bat des records. Les habitants se plaignent d'une administration kafkaïenne, où même obtenir une place en crèche nécessite un bakchich. Se font-ils des illusions quant aux horizons radieux de l'UE, La réponse tient en un chiffre: lorsque les électeurs furent appelés à désigner leurs futurs eurodéputés, en avril dernier, la participation électorale s'établit glorieusement à...21%.

Sans doute la situation en Bulgarie - entrée lors de la vague de 2007 - a-t-elle édifié les Croates. Ce pays a connu, au début de l'année de véritables émeutes de la misère, qui ont fait tomber le gouvernement de Sofia. Les élections qui ont suivi ont été marquées par une abstention record tant la classe politique, tous partis confondus, s'est discréditée, celle-là même qui ne cesse de vanter tous les bienfaits européens.

Les Islandais, eux, viennent de faire un bras d'honneur à Bruxelles. Lors des élections du 27 avril, ils ont porté au pouvoir les deux partis qui militaient pour stopper le processus  d'adhésion engagé par le gouvernement rouge-vert précédent. A la Commission européenne qui s'impatientait en indiquant que "la porte ne restera pas ouverte éternellement", le nouveau ministre des Affaires étrangères, venu à Bruxelles, a rappelé, lors d'une conférence de presse commune glaciale avec le Commissaire à l'élargissement que les électeurs avaient tranché.
"C'est ainsi que la démocratie fonctionne", a-t-il précisé en se tournant vers son hôte. Avis aux amateurs.


VANESSA IKONOMOFF

Source : BRN N°29
http://www.brn-presse.fr

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