L'UE rejette le procès de la Russie contre Euroclear, le qualifiant de "spéculatif" et sans fondement

Jean Delaunay

L’UE rejette le procès de la Russie contre Euroclear, le qualifiant de « spéculatif » et sans fondement

Alors que l’UE s’empresse d’approuver un prêt de réparations pour l’Ukraine, la Banque centrale russe a lancé une action en justice contre Euroclear, l’institution qui détient 185 milliards d’euros de ses actifs.

La Commission européenne a qualifié de « spéculative » et sans fondement le procès intenté par la Banque centrale russe à Euroclear, le dépositaire central de titres basé à Bruxelles, qui détient 185 milliards d’euros d’actifs immobilisés.

Dans un bref communiqué publié vendredi matin, la Banque centrale russe a annoncé l’ouverture d’une procédure judiciaire pour « recouvrement des dommages » et a reproché à Euroclear d’avoir empêché la libération des actifs, qui sont soumis au droit européen.

Le procès a été soumis au tribunal d’arbitrage de Moscou.

Cette évolution intervient alors que l’UE est toujours en train d’élaborer un plan visant à canaliser les actifs souverains de la Russie vers un prêt de réparation à taux zéro à l’Ukraine, un processus avec Euroclear en son centre. Les dirigeants européens devraient prendre une décision finale lors de leur réunion du 18 décembre.

« Notre proposition est juridiquement solide et pleinement conforme au droit européen et international. Les avoirs ne sont pas saisis et le principe de l’immunité souveraine est respecté », a déclaré vendredi après-midi Valdis Dombrovskis, le commissaire européen à l’économie.

« Nous nous attendons en quelque sorte à ce que la Russie continue à lancer des procédures judiciaires spéculatives pour empêcher l’UE de respecter le droit international et à respecter l’obligation légale de la Russie d’indemniser l’Ukraine pour les dommages qu’elle a causés. »

Selon Dombrovskis, toutes les institutions européennes détenant des actifs russes, depuis Euroclear jusqu’aux banques privées, seront « entièrement protégées » contre les représailles de Moscou. L’UE contrôle 210 milliards d’euros d’actifs de la Banque centrale russe depuis février 2022.

Le régime de sanctions permet déjà à Euroclear de « compenser » toute perte potentielle, a-t-il ajouté.

Par exemple, si un tribunal russe ordonne la saisie des 17 milliards d’euros qu’Euroclear possède sur le sol russe, Euroclear sera autorisée à compenser la perte en puisant dans les 30 milliards d’euros que son homologue russe, le National Settlement Depository, a stockés au sein de l’UE.

De plus, le prêt de réparation, s’il est approuvé, introduira un nouveau mécanisme pour régler les différends entre États. Si la Russie saisit les avoirs souverains de la Belgique en représailles, la Belgique sera autorisée à « compenser » la perte avec les 210 milliards d’euros, tandis que la Russie ne récupérera pas le montant qu’elle a saisi une fois les avoirs libérés.

Le facteur belge

Les garanties juridiques visent à apaiser les inquiétudes de la Belgique, qui reste le principal opposant au prêt de réparation. Le Premier ministre belge Bart De Wever a mis en garde à plusieurs reprises contre le risque que pourrait poser une contestation judiciaire réussie.

« Nous avons présenté une proposition. Nous sommes confiants dans sa légalité et dans sa résistance aux tribunaux », a déclaré un porte-parole de la Commission.

Euroclear, qui a refusé de commenter, avait déjà critiqué le prêt de réparation comme étant « très fragile », juridiquement risqué et ouvertement expérimental.

Le procès intervient un jour après que les pays de l’UE ont convenu de déclencher une clause d’urgence pour immobiliser les actifs de la Banque centrale russe dans un avenir prévisible.

Selon la nouvelle loi, les 210 milliards d’euros ne seront débloqués que lorsque les actions de la Russie « auront objectivement cessé de poser des risques substantiels » pour l’économie européenne et que Moscou aura payé des réparations à Kiev « sans conséquences économiques et financières » pour le bloc – une barre haute qui ne sera probablement pas franchie de sitôt, voire jamais.

L’immobilisation pour une durée indéterminée vise à apaiser davantage la Belgique et Euroclear afin de faciliter l’approbation du prêt de réparation la semaine prochaine.

Dans un communiqué distinct, la Banque centrale russe a déclaré qu’elle « se réserve le droit, sans autre préavis, d’appliquer tous les recours et protections disponibles si les initiatives proposées par l’Union européenne sont maintenues ou mises en œuvre ».

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