Les hauts gradés de la Commission européenne et du gouvernement belge se rencontreront vendredi pour tenter de sortir de l’impasse politique concernant l’utilisation des avoirs de l’État russe gelés pour financer un prêt de réparation de 140 milliards d’euros à l’Ukraine, ont déclaré à L’Observatoire de l’Europe deux hauts responsables de l’UE.
La Belgique s’est montrée réticente à approuver le plan proposé par la Commission comme un moyen d’utiliser les fonds russes sanctionnés pour soutenir l’Ukraine sans saisir définitivement l’argent, car les fonds en question sont détenus par la société financière Euroclear basée à Bruxelles.
Le Premier ministre Bart De Wever craint que son gouvernement ne soit obligé de rembourser les milliards de dollars versés à Moscou si une armée d’avocats du Kremlin intente une action en justice pour cette initiative. Lors d’une réunion des dirigeants européens en octobre, De Wever a exigé des assurances plus fermes de la part des dirigeants européens pour protéger leur pays des difficultés financières et les risques juridiques qui pourraient découler de l’initiative.
La réunion cruciale de vendredi intervient après que les vice-ministres des Finances n’ont pas réussi mardi à faire progresser les négociations sur le prêt de réparation, la Commission ayant averti que le temps presse.
« Plus nous accusons de retard, plus cela deviendra difficile. Cela pourrait soulever des questions sur d’éventuelles solutions de transition », a déclaré mardi le commissaire à l’Economie Valdis Dombrovskis aux journalistes à Sofia, la capitale bulgare.
L’Ukraine sera confrontée à un déficit budgétaire l’année prochaine si l’argent n’arrive pas d’ici le printemps. Sans un accord sur l’utilisation des actifs russes, la Commission avertit les gouvernements de l’UE qu’ils devront soutenir Kiev avec leurs propres portefeuilles – et cela suscite peu d’appétit après qu’une pandémie meurtrière ait démoli les budgets nationaux.

« Comment allons-nous retirer 140 milliards d’euros des budgets européens à cette période de l’année ? » a demandé un vice-ministre des Finances, qui a exprimé sa frustration à l’égard de la Belgique et, comme d’autres personnes dans cet article, a obtenu l’anonymat pour s’exprimer librement. « Il n’y a aucun moyen. »
La Commission présentera à la Belgique une note proposant des options de financement alternatives pour l’Ukraine impliquant des emprunts de l’UE. L’espoir est que De Wever, qui est également confronté à des contraintes financières, cédera une fois qu’il se rendra compte qu’il n’y a pas d’autres options viables.
De Wever, pour sa part, a expliqué ce qu’il faudrait pour que la Belgique soutienne le plan.
Premièrement, la Belgique veut éliminer la menace d’un veto hongrois – ou d’un autre pays – sur les sanctions.
Tous les six mois, l’UE doit réautoriser à l’unanimité ses sanctions contre la Russie, ce qui signifie que tout pays favorable au Kremlin, comme la Hongrie ou la Slovaquie, pourrait débloquer les avoirs russes et forcer Euroclear à reverser tous les fonds sanctionnés au Kremlin.
La Commission s’efforce d’annuler le veto afin de garantir à la Belgique la certitude à long terme dont elle a besoin dans ce domaine.
Deuxièmement, la Belgique souhaite que les autres pays de l’UE partagent le risque.
La Commission a déclaré à plusieurs reprises que l’Ukraine ne devrait commencer à rembourser le prêt de 140 milliards d’euros qu’une fois que la Russie aura arrêté la guerre et payé les réparations. Mais les Belges souhaitent que les capitaux européens fournissent des garanties financières contre le prêt si la Russie met fin à la guerre et réclame ses avoirs – ou si les avocats du Kremlin convainquent un tribunal que Moscou doit être remboursé.
Même si tous les pays de l’UE fournissent des garanties nationales, la Belgique veut être sûre que de tels paiements seraient immédiats. La Commission a suggéré qu’elle pourrait prêter de l’argent à tout moment à tout pays qui aurait du mal à fournir des liquidités. Mais cette approche ne ferait qu’aggraver la dette d’un pays, une perspective impopulaire pour des pays comme la France et l’Italie.
Enfin, la Belgique exhorte la Commission à envisager d’utiliser le budget septennal actuel de l’UE pour garantir le prêt, plutôt que de s’en remettre aux gouvernements nationaux.
La Commission pourrait, en théorie, utiliser une partie d’une réserve de trésorerie, appelée marge de manœuvre, mise de côté dans le budget de l’UE pour ce faire. L’idée aura du mérite une fois le nouveau budget dévoilé en 2028. Mais il n’est pas sûr qu’il y ait suffisamment de marge pour la cagnotte actuelle.



