La rivalité technologique entre Pékin et Washington ne cesse de s’intensifier. Après une série de mesures restrictives prises par les États-Unis pour limiter l’accès de la Chine aux technologies de pointe, Pékin a répliqué de manière ciblée en s’attaquant à Micron, l’un des plus grands fabricants américains de puces mémoire. Une décision symbolique mais aussi stratégique, qui illustre la logique de représailles désormais au cœur de la confrontation sino-américaine.
Les États-Unis verrouillent l’accès aux technologies
Depuis 2022, l’administration américaine a multiplié les restrictions visant à empêcher la Chine d’acquérir ou de produire des semi-conducteurs avancés. Processeurs de dernière génération, GPU utilisés pour l’intelligence artificielle, outils de lithographie : autant de technologies désormais soumises à des interdictions d’exportation.
Le président Joe Biden a également renforcé les conditions d’attribution des fonds publics destinés aux entreprises du secteur : pas question pour elles d’utiliser cet argent pour développer ou transférer des technologies vers la Chine. L’objectif est clair : freiner l’essor technologique de Pékin et protéger ce que Washington considère comme des intérêts stratégiques.
Pékin contre-attaque : Micron dans le viseur
La réponse chinoise ne s’est pas fait attendre. L’Administration du cyberespace de Chine (CAC) a annoncé que les produits de Micron Technology représentaient de « graves risques pour la sécurité des réseaux », décision qui entraîne leur interdiction dans les projets d’infrastructures critiques du pays.
Micron, géant américain spécialisé dans les mémoires (DRAM, NAND, SSD), réalise une part significative de son chiffre d’affaires en Asie, et notamment en Chine. Cette interdiction constitue donc un coup dur : non seulement elle prive l’entreprise de débouchés essentiels, mais elle envoie aussi un message clair à Washington. Pékin peut, lui aussi, utiliser l’argument de la sécurité nationale pour exclure des entreprises étrangères de son marché.

Un signal politique plus qu’une mesure technique
La CAC n’a fourni aucun détail concret sur les risques identifiés dans les produits de Micron. Mais le cœur du sujet est ailleurs : il s’agit moins de problèmes techniques que d’un avertissement politique. Pékin reprend à son compte la stratégie américaine, en montrant que la symétrie des représailles est désormais une réalité.
Pour Micron, contester la décision serait une impasse. Une telle démarche offrirait à la Chine un prétexte supplémentaire pour renforcer ses restrictions. L’entreprise se retrouve donc dans une position délicate : subir les pertes sans perspective de recours réel.
Une guerre technologique coûteuse
Cet épisode illustre bien la logique d’escalade qui domine désormais les relations sino-américaines. Les entreprises, qu’il s’agisse de Huawei en Chine ou de Micron aux États-Unis, deviennent les instruments et parfois les victimes collatérales de cette confrontation.
Mais au-delà de Micron, ce sont les chaînes d’approvisionnement mondiales qui sont fragilisées. La Chine reste un marché incontournable pour les semi-conducteurs, tandis que les États-Unis dominent encore certaines étapes clés de la conception et de la production. Chaque mesure de rétorsion accroît les incertitudes et renchérit les coûts pour l’ensemble de l’industrie.
Vers une fracture durable du marché mondial ?
L’affaire Micron marque une étape supplémentaire vers la fragmentation du marché des semi-conducteurs. Plutôt que de tendre vers un système globalisé, les États-Unis et la Chine semblent s’orienter vers deux écosystèmes parallèles, où la technologie devient une arme au service de la puissance politique.
Cette logique a un coût : ralentissement de l’innovation, hausse des investissements nécessaires pour dupliquer des chaînes entières de production, et multiplication des tensions commerciales. Autant de facteurs qui, à terme, pourraient redéfinir l’équilibre économique mondial.
La décision de Pékin contre Micron n’est donc pas un simple coup de semonce : c’est une démonstration de force. Elle rappelle que dans cette guerre des semi-conducteurs, chaque attaque appelle une riposte, et que les entreprises – des deux côtés du Pacifique – sont désormais en première ligne.



