PARIS — Les socialistes français ont remporté une victoire cette semaine en forçant le gouvernement à revenir sur sa réforme impopulaire des retraites – mais ils se préparent toujours à la déception.
Le Premier ministre Sébastien Lecornu a laissé entendre qu’un gel de la réforme de l’âge de la retraite pour 2023, une concession qui a épargné à son gouvernement un effondrement immédiat, pourrait être couplé à l’approbation de quelque chose que les socialistes n’aiment pas vraiment : le budget de la sécurité sociale, qui comprend des coupes dans les dépenses.
« Il y a beaucoup de choses qui ne vont pas » dans le budget de la sécurité sociale, a déclaré à L’Observatoire de l’Europe un député socialiste, bénéficiant de l’anonymat pour discuter de la stratégie du parti. « Alors qu’allons-nous faire au final ? Voter pour ou contre ? »
Le budget de la sécurité sociale aurait probablement besoin des voix des socialistes, dont les 69 législateurs détiennent la balance des pouvoirs à l’Assemblée nationale française, pour être adopté. Si le Parlement ne parvient pas à adopter un budget, il permettra au gouvernement de légiférer via l’action exécutive. Cela donnerait effectivement à Lecornu le pouvoir d’imposer le programme du gouvernement malgré tout.
Le leader parlementaire socialiste, Boris Vallaud, a reconnu que son parti faisait un « pari risqué » en faisant confiance au Premier ministre pour qu’il tienne parole sur le gel de la réforme des retraites.
D’autres partis d’opposition ont rapidement remis en question le sérieux du gouvernement face à cette annonce.
« Tout cela ressemble à un mélange d’improvisation – et peut-être un peu d’escroquerie », a déclaré le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale française, Eric Coquerel, un éminent député du groupe d’extrême gauche France Insoumise.
La réforme consiste à relever l’âge minimum de la retraite de trois mois chaque année jusqu’en 2030. La proposition actuelle du gouvernement est de suspendre l’augmentation à 62 ans et neuf mois jusqu’en janvier 2028, soit après la prochaine élection présidentielle.
Emmanuel Macron a semblé mardi donner son accord tacite à Lecornu pour geler la réforme, qui est venue définir son deuxième mandat en difficulté.
La réforme de 2023 a été adoptée par le Parlement sans vote, en utilisant une porte dérobée constitutionnelle, bien qu’elle ait été rejetée par une écrasante majorité de la population et qu’elle ait déclenché des mois de manifestations de masse à travers le pays. Macron a toujours présenté cette loi comme essentielle pour garantir la solvabilité du système de retraite français.
Lecornu a estimé que le gel de la réforme coûterait 400 millions d’euros en 2026 et a déclaré que toute perte doit être compensée par des économies pour maîtriser les dépenses publiques.
« Ce qui s’est dit depuis (mardi) laisse croire à la population que le gel est décidé », a déclaré mercredi Paul Christophe, chef du groupe Horizons, allié à Macron au Parlement. « Il faut faire attention, tant que le Parlement n’a pas voté, la suspension n’existe pas. »



