La science progresse souvent dans les marges de l’inconnu. C’est précisément dans cet interstice, entre certitude et spéculation, qu’émergent parfois les découvertes les plus troublantes. Depuis plusieurs mois, un signal radio régulier en provenance de la Voie lactée défie les modèles connus d’astrophysique. Capté à plusieurs reprises par un radiotélescope australien, ce phénomène soulève des interrogations majeures au sein de la communauté scientifique : sa régularité, sa durée et sa nature suggèrent un objet encore jamais observé… ou compris.
Un signal périodique toutes les 18,18 minutes
C’est en janvier 2018 que l’anomalie est détectée pour la première fois, par hasard, par Tyrone O’Doherty, alors étudiant en astronomie à l’université Curtin à Perth. Utilisant le Murchison Widefield Array (MWA), un radiotélescope de basse fréquence installé dans l’ouest australien, il repère un signal puissant émanant d’un point fixe dans la Voie lactée. L’objet céleste émet alors une impulsion radio toutes les 18,18 minutes, une cadence étonnamment lente au regard de ce que la science connaît des pulsars ou des magnétars.
En examinant les données antérieures du MWA, l’équipe découvre que le signal s’est brièvement manifesté début 2018, avant de disparaître. Il reste silencieux durant plusieurs années. Depuis, l’objet n’a pas repris d’activité, ce qui rend son étude directe particulièrement difficile. Pourtant, il a laissé derrière lui une trace suffisamment intrigante pour mobiliser les spécialistes du monde entier.
Une énigme astrophysique dans notre voisinage galactique
Le phénomène se situe à environ 4 000 années-lumière de la Terre, une distance considérée comme relativement proche à l’échelle cosmique. Il s’inscrit dans une région de la Voie lactée déjà bien étudiée, ce qui rend son apparition soudaine d’autant plus étonnante. Selon Natasha Hurley-Walker, astrophysicienne à la tête de l’équipe ayant analysé le signal, « aucun objet céleste connu ne se comporte de cette manière ».
Le caractère rotatif de l’objet, combiné à la signature de son champ magnétique, suggère une nature comparable à celle des magnétars – des étoiles à neutrons très denses, dotées de champs magnétiques extrêmement puissants. Pourtant, là encore, une difficulté majeure subsiste : aucun magnétar connu ne présente un cycle aussi lent. Selon les modèles actuels, ces objets devraient avoir épuisé leur énergie bien avant d’atteindre une rotation aussi longue tout en conservant une émission radio aussi régulière.
La piste d’un magnétar à période ultra-longue
L’hypothèse la plus crédible à ce jour est celle d’un « magnétar à période ultra-longue », une classe théorique d’objets prédite par certains modèles mais jamais encore observée. Ce magnétar hypothétique tournerait bien plus lentement que ses homologues connus, ce qui pourrait expliquer la fréquence de 18,18 minutes. S’il venait à être confirmé, il constituerait un nouveau type d’objet astrophysique, ouvrant un pan entier de recherche sur l’évolution et la dynamique des étoiles à neutrons.
L’intérêt scientifique de cette hypothèse ne réside pas seulement dans l’identification de l’objet. Il pourrait également être lié à un autre phénomène encore mal compris : les sursauts radio rapides (FRB), ces flashs intenses et brefs d’ondes radio détectés dans le cosmos. Certains chercheurs envisagent que des magnétars comme celui-ci pourraient en être la source.
La prudence avant les hypothèses exotiques
Face à un tel phénomène, certains pourraient être tentés d’évoquer l’origine extraterrestre. Mais la communauté scientifique reste prudente : tout, dans la forme et le contenu du signal, plaide en faveur d’un processus naturel. Pas de modulation complexe, pas de structure artificielle identifiable — uniquement une émission radio stable et répétée, probablement due à des mécanismes physiques extrêmes encore à élucider.
Pour avancer, les astronomes espèrent que l’objet « se réveillera » à nouveau, ou que d’autres cas similaires seront découverts ailleurs dans l’univers. Car pour le moment, ce silence cosmique pèse autant qu’il intrigue.
Ce genre d’observation rappelle, une fois encore, que l’univers est loin d’avoir livré tous ses secrets. Et qu’entre les certitudes de la physique actuelle et les signaux discrets venus du fond des âges, il y a encore beaucoup à apprendre — et peut-être à réinventer.



