Alors que le monde du travail évolue à une vitesse sans précédent, certains parcours rappellent que la constance, l’engagement et la fidélité à une entreprise peuvent traverser les époques. C’est le cas de Walter Orthmann, un Brésilien centenaire, qui vient d’inscrire son nom dans le Livre Guinness des records pour une raison exceptionnelle : avoir travaillé plus de huit décennies au sein d’une seule et même entreprise.
Une carrière débutée en pleine crise familiale

C’est à 15 ans seulement que Walter Orthmann intègre Indústrias Renaux, une société textile installée dans l’État de Santa Catarina, au sud du Brésil. L’année est 1938. Le contexte familial est difficile : sa famille traverse une crise économique sévère, comme beaucoup d’autres à cette époque.
« En tant qu’aîné de cinq enfants, il fallait aider », raconte-t-il aujourd’hui avec lucidité. Encouragé par sa mère, Walter part donc chercher un emploi dès ses 14 ans, une démarche alors courante dans un pays encore très marqué par l’instabilité économique.
Une ascension rapide et méritée

Son premier poste consiste à préparer les commandes et à gérer des tâches logistiques simples. Mais Walter ne tarde pas à se distinguer. Sa maîtrise de l’allemand, héritée de ses origines germaniques, s’avère déterminante dans un contexte d’exportation textile. En quelques années, il accède au poste de directeur des ventes, fonction qu’il occupera une grande partie de sa carrière.
Cette progression rapide s’explique par son implication constante, son sens de l’initiative, mais aussi par une capacité à accompagner le changement, dans une entreprise confrontée à de multiples réorganisations structurelles, technologiques et humaines au fil des décennies.
Une longévité professionnelle hors norme

Le 6 janvier dernier, le Livre Guinness des records a officiellement reconnu Walter Orthmann pour avoir effectué 84 années de carrière dans la même entreprise — un record mondial. Un parcours rarissime, dans un monde du travail où la moyenne de temps passé dans une entreprise se mesure désormais en années, parfois même en mois.
En comparaison, les études menées par l’OCDE indiquent qu’en 2022, la durée moyenne d’occupation d’un poste dans les pays développés avoisine 8 à 10 ans, toutes générations confondues. Ce chiffre descend même à moins de 4 ans chez les moins de 35 ans.
Un exemple d’adaptation et d’engagement

Ce qui frappe dans le témoignage de Walter, c’est moins la longévité brute que la capacité à se renouveler dans un environnement changeant. Au fil de ses 84 années de carrière, il a connu des bouleversements technologiques majeurs, des crises économiques régionales et mondiales, l’essor de la mondialisation, l’arrivée du numérique… sans jamais rompre avec son engagement.
Selon ses proches collaborateurs, c’est un homme curieux, bienveillant et rigoureux, qualités qui lui ont permis de rester utile, respecté et surtout épanoui. « Il incarne la mémoire vivante de l’entreprise », dit l’un de ses collègues. Pour Walter, le moteur reste la passion pour son métier et l’attachement à un environnement professionnel stable et stimulant.
Une philosophie de travail à contre-courant
À l’heure où la quête de sens et le burn-out redessinent les attentes professionnelles, Walter Orthmann propose une perspective différente. « Le plus important, c’est de faire ce qu’on aime, dans une entreprise qui nous respecte », résume-t-il simplement.
Un message qui résonne, alors que de nombreuses entreprises peinent à fidéliser leurs salariés ou à préserver une culture d’entreprise sur le long terme.
Le 19 avril, Walter a célébré ses 100 ans entouré de ses collègues, de sa famille et de ses amis. Plus qu’un symbole de longévité, il devient un modèle d’intégrité professionnelle, dans un monde du travail en pleine mutation. Un rappel que parfois, la plus grande innovation, c’est la fidélité.



