Alors que le débat énergétique se polarise entre renouvelables classiques et espoirs de fusion nucléaire, une voix inattendue vient bousculer les certitudes. Bill Gates, figure majeure de l’innovation technologique, mise sur une voie différente : Natrium. Ce réacteur de nouvelle génération pourrait bien rebattre les cartes de la production d’électricité dans les décennies à venir.
Une technologie nucléaire fondamentalement différente
Natrium s’éloigne des standards traditionnels de la filière nucléaire. Là où les réacteurs conventionnels utilisent l’eau comme fluide caloporteur, ce nouveau modèle opte pour le sodium liquide. Ce choix technique n’est pas anodin : le sodium est capable d’absorber environ huit fois plus de chaleur que l’eau, ce qui ouvre la voie à un rendement énergétique supérieur.
Autre atout non négligeable : la disponibilité du sodium, qui constitue près de 2,6 % de la croûte terrestre. Sur le plan économique, cela en fait une ressource à la fois abondante et peu coûteuse, réduisant la dépendance à des matières premières critiques ou géopolitiquement sensibles.
Une réponse aux préoccupations de sécurité
La sécurité nucléaire reste l’un des principaux freins à l’acceptabilité sociale de l’atome. Sur ce point, Natrium propose des innovations significatives. L’usage du sodium réduit considérablement le risque de surpression, et donc de fuites radioactives, en supprimant le recours à de fortes pressions hydrauliques.
Le système est en outre doté d’un stockage thermique par sels fondus, permettant de conserver l’énergie excédentaire et de la réinjecter selon les besoins. Une capacité de régulation qui positionne Natrium non seulement comme une source stable, mais aussi comme un complément aux énergies intermittentes telles que l’éolien ou le solaire.
Un modèle plus accessible et moins coûteux

Sur le plan financier, la différence est marquante. Là où une centrale nucléaire classique aux États-Unis peut atteindre un coût de construction de 25 milliards de dollars, un réacteur Natrium est estimé à environ 1 milliard de dollars. Cette réduction drastique repose sur une conception simplifiée et des exigences techniques moins contraignantes en matière de pression.
Le projet, porté par la société TerraPower, vise à démontrer que la filière nucléaire peut être plus accessible, moins risquée et économiquement viable, sans pour autant compromettre les standards de sécurité.
Les obstacles à franchir
Comme toute technologie émergente, Natrium devra surmonter plusieurs défis critiques. Le premier réacteur est actuellement en cours de construction dans le Wyoming. Sa réussite ou son échec conditionnera sans doute la perception mondiale de cette technologie.
Parmi les freins identifiés : la mémoire collective encore marquée par les accidents de Tchernobyl et Fukushima. La méfiance du public, amplifiée par certaines ONG environnementales, reste un paramètre central. Pour convaincre, les promoteurs du projet devront adopter une démarche de transparence, et impliquer les collectivités locales et les régulateurs dans un dialogue continu.
Une solution complémentaire plutôt qu’un remplacement
Il serait erroné de voir dans Natrium un substitut exclusif aux autres formes d’énergie. Mais si les promesses sont tenues, cette technologie pourrait compléter utilement les renouvelables, en offrant une énergie stable, pilotable et décarbonée, à un coût maîtrisé.
Le premier réacteur, d’une capacité de 345 mégawatts, devrait permettre d’alimenter environ 400 000 foyers à l’horizon 2030. Une échelle encore modeste, mais qui pourrait constituer une preuve de concept décisive.
Conclusion : vers une redéfinition du nucléaire civil ?
Bill Gates ne tourne pas le dos au solaire ni à la fusion, mais il souligne les limites temporelles et structurelles de ces solutions. Natrium propose une alternative qui conjugue réalisme technologique, efficacité économique et réduction des risques.
À l’heure où les impératifs climatiques se font plus pressants, et où les réseaux doivent gagner en résilience, explorer des voies comme Natrium pourrait s’avérer crucial. Non pas pour remplacer les autres solutions, mais pour construire un mix énergétique plus robuste, moins dépendant des aléas, et mieux adapté aux réalités de demain.



