Scientists aboard the Australian research vessel Aurora Australis studied the natural cycling of iron in the Southern Ocean in 2001.

Jean Delaunay

Un projet controversé visant à ajouter du fer à l’océan pourrait-il contribuer à capturer davantage de carbone ?

La technique controversée, connue sous le nom de fertilisation par le fer des océans, a déjà suscité des réactions négatives de la part du public dans le passé.

Les scientifiques veulent ensemencer l’océan Pacifique avec du fer pour l’aider à capturer le dioxyde de carbone de l’atmosphère.

Dans un article publié dans la revue Frontiers in Climate, ils affirment que cette technique controversée pourrait être un moyen peu coûteux, évolutif et rapidement déployable pour capturer le carbone.

Des experts de l’association à but non lucratif Exploring Ocean Iron Solutions (ExOIS) viennent de présenter un plan visant à déterminer la quantité de CO2 que cette technique pourrait capturer et l’impact qu’elle pourrait avoir sur les écosystèmes marins.

Ils espèrent commencer les essais sur une superficie allant jusqu’à 10 000 kilomètres carrés d’océan dans le nord-est du Pacifique dès 2026.

« C’est la première fois depuis plus d’une décennie que la communauté scientifique marine se réunit pour approuver un plan de recherche spécifique sur le fer océanique », déclare Ken Buesseler, auteur principal de l’étude et directeur exécutif du programme ExOIS.

Le programme tente de réunir 160 millions de dollars (143,7 millions d’euros) pour y parvenir. Il a déjà reçu une subvention de 2 millions de dollars (1,8 million d’euros) de la National Oceanic and Atmospheric Administration des États-Unis pour la modélisation informatique.

Les scientifiques prévoient désormais de demander à l’Agence américaine de protection de l’environnement l’autorisation de commencer à mener des essais de fertilisation des océans à base de fer.

Comment le fer aide-t-il les océans à capturer le carbone ?

La fertilisation au fer océanique (OIF) est une technique par laquelle de petites quantités de fer micronutriment sont libérées à la surface de la mer pour stimuler la croissance de plantes marines appelées phytoplancton.

Cette croissance rapide élimine le dioxyde de carbone de l’atmosphère par photosynthèse. Lorsque le plancton meurt ou est mangé, une partie de ce carbone est capturée et s’enfonce dans les profondeurs de l’océan, ce qui le maintient hors de l’atmosphère pendant des siècles.

Bien qu’une grande quantité de fer pénètre naturellement dans l’océan à partir de sources telles que la poussière soufflée par le vent ou les cendres volcaniques, cette technique vise à accélérer le processus.

« Étant donné la grande capacité de stockage du carbone de l’océan (plus de 50 fois supérieure à celle de l’atmosphère et 15 à 20 fois supérieure à celle de toutes les plantes et de tous les sols terrestres), il convient d’envisager d’améliorer la capacité naturelle de l’océan à stocker le carbone », explique Paul Morris, chef de projet du programme ExOIS.

Il affirme que même si toutes les émissions de carbone étaient stoppées aujourd’hui, nous aurions toujours besoin d’éliminer le dioxyde de carbone marin en raison de ce qui est déjà présent dans l’atmosphère.

Le chimiste marin Ken Buesseler travaille sur un amarrage « clap-trap » lors du projet Vertical Transport In the Global Ocean (VERTIGO) en 2004.
Le chimiste marin Ken Buesseler travaille sur un amarrage « clap-trap » lors du projet Vertical Transport In the Global Ocean (VERTIGO) en 2004.

Pourquoi la fertilisation océanique au fer est-elle controversée ?

Des dizaines d’expériences ont permis d’ajouter du fer à l’océan dans les années 1990 et 2000. Mais l’OIF a été interdit à l’échelle internationale à des fins commerciales en 2013 en vertu du Protocole de Londres – un traité mondial sur la pollution des océans – après une réaction négative de l’opinion publique.

Les objections à toute atteinte aux systèmes marins naturels ont atteint leur paroxysme lorsque l’entrepreneur américain Russ George a déversé 100 tonnes de poussière de fer dans l’océan au large des côtes du Canada, en partie pour stimuler la pêche au saumon.

Les critiques craignent que l’OIF puisse avoir des effets négatifs inconnus sur l’océan. Ils craignent que la fertilisation au fer ne conduise à ce que l’on appelle des « zones mortes » où les proliférations d’algues consomment tout l’oxygène de l’eau, tuant ainsi d’autres formes de vie marine. Les proliférations de phytoplancton pourraient également consommer des nutriments, les rendant indisponibles pour d’autres organismes ailleurs.

Une étude réalisée l’année dernière par des chercheurs français, britanniques et américains a révélé qu’en ajoutant 1 à 2 millions de tonnes de fer dans l’océan chaque année, on pourrait capturer jusqu’à 45 milliards de tonnes de CO2 d’ici 2100.

Leur modélisation informatique a également montré que cette méthode volerait les nutriments d’autres organismes marins. Les chercheurs ont toutefois averti que l’on ne savait pas grand-chose sur la manière dont des méthodes comme l’OIF interagiraient avec les effets actuels du changement climatique sur la vie marine.

En plus d’une perte estimée à 15 % de biomasse marine due au réchauffement climatique, ils ont découvert que 5 % supplémentaires pourraient être perdus pour l’OIF.

Un projet sur l’océan Pacifique prévoit de surveiller l’impact de l’OIF sur la vie marine

ExOIS affirme qu’il effectuera un suivi détaillé de ses études dans le Pacifique pour déterminer leur impact, parallèlement à une modélisation informatique avancée.

L’article souligne que des études sur le terrain sont nécessaires pour combler les lacunes dans les connaissances et déterminer si l’OIF est réellement une méthode viable d’élimination du dioxyde de carbone marin. Ses auteurs notent qu’à l’avenir, ces études devront être beaucoup plus importantes et plus longues que les études précédentes.

Mais même à ces échelles pilotes plus grandes, ExOIS affirme qu’il n’y aura pas de changements permanents avec le fer naturellement épuisé et mélangé à l’océan.

« Nous avons appris par le passé que la conduite d’essais sur le terrain peu coûteux et donc peu concluants, ou le fait d’avancer sans contrôles et surveillance appropriés, entravera les progrès alors que les gouvernements et le public s’opposent aux risques inconnus de l’OIF et du mCDR, tout en ignorant son potentiel », indique l’article.

Cela implique d’impliquer les groupes publics dans les discussions sur la manière dont l’OIF peut être mise en œuvre de manière responsable. Buesseler ajoute qu’il sera important d’accorder « une attention particulière » aux groupes qui ont été historiquement exclus de la prise de décision concernant les espaces océaniques.

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