BRUXELLES — La Commission européenne prévoit un remaniement majeur des règles des marchés financiers, dans le but d’augmenter le volume des investissements privés dans l’économie du bloc.
Favoriser un marché unique pour l’investissement est l’un des objectifs de cette Commission, alors que l’UE peine à financer ses priorités politiques pour suivre le rythme de ses concurrents comme les États-Unis et la Chine, dans un contexte de budgets nationaux tendus.
Avec ce plan ambitieux, la Commission prépare le terrain pour un conflit avec les gouvernements du bloc, divisés sur la question politiquement controversée de la supervision des marchés par l’UE.
L’exécutif européen a présenté mardi ses projets, actuellement prévus pour décembre, lors d’un briefing de trois heures à huis clos pour les responsables nationaux et du Parlement européen.
Selon plusieurs responsables présents, la Commission envisage de publier un paquet qui modifiera une dizaine de textes législatifs existants, redessinant les règles des marchés financiers du bloc et la manière dont ils sont supervisés.
Les lois existantes qui seront modifiées comprennent les règles phares des marchés financiers de l’UE, connues sous le nom de MiFID et MiFIR ; des règles pour les chambres de compensation, connues sous le nom d’EMIR ; les règles d’investissement, dites AIFMD et la Directive OPCVM ; les règles applicables aux dépositaires centraux de titres, dites CSDR ; les règles de cryptographie, connues sous le nom de MiCA ; et la réglementation régissant l’organisme de surveillance des marchés, l’ESMA.
La Commission envisage également de proposer une refonte de la manière dont les sociétés des marchés financiers sont supervisées – une question profondément politique et largement bloquée par les capitaux nationaux dans le passé. La plupart des entreprises sont actuellement supervisées au niveau national, mais la Commission souhaite transférer davantage de surveillance au niveau européen sous la direction de l’ESMA, organisme de surveillance basé à Paris.
Les discussions sur la même question se sont soldées par une impasse lors d’un sommet des dirigeants de l’UE au printemps 2024, avec une coalition de petits pays, dont le Luxembourg et l’Irlande (qui craignent que leurs sociétés de services financiers ne délocalisent à Paris), bloquant un effort mené par la France pour s’engager en faveur d’une supervision plus centralisée.
La Commission souhaite désormais transférer la supervision de tous les prestataires de services sur crypto-actifs à l’ESMA. Elle souhaite également transférer la surveillance des grandes bourses transfrontalières, des chambres de compensation et des dépositaires centraux de titres à l’ESMA.
Le modèle de gouvernance et de financement de l’ESMA serait réformé pour refléter son rôle plus important. La Commission introduirait un conseil exécutif indépendant, qui serait responsable des décisions de surveillance, contrairement à la configuration actuelle, où un conseil composé d’organismes de surveillance des finances nationales est le principal décideur. La proportion du financement de l’ESMA provenant des frais de surveillance payés par l’industrie augmenterait, tandis que la proportion du financement provenant des organismes de surveillance nationaux pourrait diminuer.
Cette proposition risque certainement de diviser politiquement. La France est un fervent partisan des efforts visant à centraliser la supervision, mais de nombreux petits pays s’y opposent. La position de l’Allemagne n’est pas claire, car elle est traditionnellement opposée à une supervision centrale, mais le chancelier Friedrich Merz et le ministre des Finances Lars Klingbeil se sont prononcés positivement ces dernières semaines sur l’idée d’une bourse européenne unique. Le pays s’oppose à la supervision centrale des cryptomonnaies, qui figure dans les projets de la Commission.
Le paquet sur les marchés est attendu pour décembre et pourrait être discuté lors du sommet des dirigeants européens à Bruxelles le même mois.



