À contre-courant des discours édulcorés sur l’amour parfait, une thérapeute conjugale met en lumière les mécanismes réels qui sous-tendent les relations durables. Plus que des sentiments, ce sont des fondations concrètes qui permettent aux couples de résister au temps.
Quand l’amour va bien, il faut aussi savoir l’interroger
Ils s’appellent Alicia et Jonathan, ont la trentaine, et en 2019, ils font un choix peu banal : consulter une thérapeute conjugale… alors que tout va bien. Aucun conflit majeur, aucune trahison, aucune crise de confiance. Simplement une envie sincère de comprendre ce qui rend une relation stable et épanouissante, à l’aube de leur vie commune.
Cette démarche, à la fois humble et préventive, inspire la psychanalyste Cécilia Commo à questionner les fondements de ce qu’on appelle trop rapidement une « relation parfaite ». Dans un monde saturé de récits romantiques et d’injonctions à la réussite sentimentale – qu’ils viennent du cinéma, des réseaux sociaux ou même des proches – la pression de « l’idéal amoureux » devient un poison discret mais puissant.
Or, comme le rappelle la spécialiste, le couple n’a pas de mode d’emploi universel. En revanche, il repose sur des fondamentaux solides, des appuis concrets qui permettent aux partenaires de traverser les turbulences inévitables de la vie à deux.
Déconstruire le mythe du couple parfait
La démarche de Cécilia Commo est d’abord pédagogique. Elle invite à se détacher du fantasme d’une harmonie permanente, de cette fluidité émotionnelle sans aspérité qui ferait de l’amour une ligne droite. « Le couple parfait n’existe pas », affirme-t-elle sans détour.
Pourquoi cette affirmation dérange-t-elle autant ? Parce qu’elle oblige à admettre que le couple durable est un travail, une négociation constante entre les besoins de chacun, les imprévus de la vie, et les blessures du passé. Cela ne signifie pas que l’amour est un champ de bataille, mais qu’il est un espace de construction, parfois bancal, souvent imparfait, toujours perfectible.
Dans ce cadre, quatre piliers se dégagent comme essentiels à toute relation qui aspire à durer.
Quatre piliers pour construire dans la durée
1. La communication authentique
Le premier fondement, et sans doute le plus attendu, est la capacité à dire ce que l’on ressent, ce que l’on pense, sans peur du jugement ou du rejet. Trop de couples sombrent non par excès de disputes, mais par manque de mots justes, par accumulation silencieuse de frustrations. Communiquer, ce n’est pas seulement parler : c’est savoir écouter, reformuler, et parfois se taire pour laisser de la place à l’autre.
2. La gestion des conflits
Ici, l’idée n’est pas d’éviter les disputes, mais de savoir les encadrer, les comprendre, les transformer. Un désaccord n’est pas une menace, c’est un levier d’ajustement, un signal d’alerte. Savoir poser des limites sans agressivité, reconnaître ses torts, demander pardon sans s’effacer : autant de compétences relationnelles qui s’apprennent et s’exercent.
3. Le respect de l’autonomie
Vivre à deux ne signifie pas se fondre l’un dans l’autre. Chacun doit pouvoir conserver une sphère d’indépendance, un espace personnel pour se retrouver, respirer, évoluer. La fusion peut séduire au début, mais elle devient vite étouffante si elle nie les individualités.
4. L’acceptation de l’imperfection
Enfin, et c’est sans doute le pilier le plus contre-intuitif, le couple durable est celui qui sait cohabiter avec les failles, les maladresses, les limites de chacun. Plutôt que de chercher à tout prix à « réparer » l’autre ou à « changer » ce qui nous dérange, il s’agit de reconnaître l’altérité, de coexister avec ce qui ne sera jamais conforme à nos attentes. Ce n’est pas un renoncement, c’est une maturité.
Une approche réaliste, mais pas cynique
Ce que propose Cécilia Commo, ce n’est pas un mode d’emploi rigide, ni une formule miracle. C’est un regard lucide sur les dynamiques conjugales, un antidote à la naïveté amoureuse. Ce réalisme n’est pas une forme de résignation : il libère. Il redonne du pouvoir aux couples en leur rappelant que la solidité d’une union ne tient pas à l’absence de problèmes, mais à la manière de les traverser ensemble.
Et si finalement, le véritable secret des couples qui durent n’était pas dans ce qu’ils évitent, mais dans ce qu’ils apprennent à traverser, main dans la main ?
