AP / Martin Meissner

Jean Delaunay

Les fonds de relance verts mal utilisés et non évalués selon la Cour des comptes de l’UE

Une surestimation des dépenses consacrées aux projets climatiques et un mauvais calcul des sommes réellement dépensées dans les pays de l’UE sont signalés par le dernier rapport de la Cour des comptes européenne.

La Croatie, la Grèce et le Portugal font partie des États membres qui affirment avoir utilisé les fonds de l’UE pour des mesures liées au climat « pas aussi vertes que décrites », selon un rapport de la Cour des comptes européenne (CCE) publié aujourd’hui (11 septembre).

Dans leur dernier rapport, les auditeurs de l’UE ont constaté que la Croatie et le Portugal avaient gonflé leurs contributions potentielles à certains projets, comme les transports urbains propres et l’adaptation des forêts au changement climatique. Malgré l’existence d’un effet d’entraînement positif sur le climat, les auditeurs de l’UE estiment que les deux États membres ont exagéré la part des fonds calculée et prévue pour « l’action climatique » selon la formule de la Commission européenne.

Les actions considérées comme apportant une contribution substantielle au changement climatique se voient attribuer un coefficient de 100 %, les actions ayant une contribution positive non marginale un taux de 40 %, et les fonds ayant une contribution neutre ou insignifiante un taux de 0 %, ont expliqué les auditeurs de l’UE.

En février 2024, la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR), créée en réponse au fonds de relance de l’UE après la pandémie, a déboursé 275 milliards d’euros pour soutenir les objectifs climatiques de l’UE dans l’ensemble du bloc, selon l’exécutif européen. L’audit d’aujourd’hui provenant de l’organisme européen basé à Luxembourg a déterminé que la contribution globale de la FRR à la transition verte était « peu claire ».

La contribution à la transition verte fait référence aux réformes et aux investissements dans les technologies et capacités vertes, notamment la biodiversité, l’efficacité énergétique, la rénovation des bâtiments et l’économie circulaire.

En Grèce, des fonds verts ont été octroyés pour construire une nouvelle centrale hydroélectrique à accumulation par pompage, mais l’impact environnemental de la construction n’a pas été évalué, ont constaté les auditeurs de l’UE : « Les dommages potentiels à la biodiversité n’ont pas été évalués pour la mesure et les mesures d’atténuation n’ont pas été identifiées. »

La Cour des comptes de l’UE a également pointé du doigt la Slovaquie en ce qui concerne la modernisation des centrales hydroélectriques et des installations de biogaz ou de biométhane, pour avoir fixé un budget trop élevé par rapport à l’objectif à atteindre et avoir remis en question l’ambition des objectifs des projets.

« Les montants approuvés par la Slovaquie pour ces projets correspondent à 30 % des coûts estimés de la mesure. Les 70 % restants de l’aide ne pouvaient donc viser qu’à atteindre 6 % de l’objectif, ce qui montre que la mesure aurait pu être réalisée à une fraction du coût, l’objectif étant fixé très bas », peut-on lire dans le rapport de la Cour des comptes européenne.

Joëlle Elvinger, l’auditeur de la Cour des comptes européenne responsable du rapport, a déclaré que le RRF, dont au moins 37 % doivent être consacrés à l’action climatique, était un investissement majeur dans l’ensemble de l’UE « s’il est correctement mis en œuvre » et qu’il « devrait considérablement accélérer la réalisation des objectifs climatiques ambitieux de l’UE ».

« Il souffre toutefois actuellement d’un niveau élevé d’approximation dans les plans concernés, ainsi que de divergences entre la planification et la pratique, et fournit finalement peu d’indications sur le montant des fonds qui vont directement à la transition verte », a regretté M. Elvinger.

Olivier Vardakoulias, coordinateur des finances et des subventions à l’ONG Climate Action Network (CAN) Europe, a déclaré à L’Observatoire de l’Europe que la méthodologie d’intégration du climat employée dans le cadre du RRF conduit à une surestimation des investissements réels dans le climat et la transition verte et que les dispositions de gouvernance du RRF ne garantissent pas un suivi efficace.

« Le nouveau rapport de la CEA confirme malheureusement que les craintes des organisations de la société civile étaient pleinement justifiées », a déclaré Vardakoulias.

« À court terme, les États membres devraient prendre note des conclusions du rapport en accélérant de toute urgence l’absorption des fonds existants pour de véritables investissements dans la transition verte ; à moyen terme, un budget de l’UE réformé devrait améliorer considérablement les deux méthodologies de « suivi » du climat », a suggéré Vardakoulias, faisant référence au coefficient de la Commission pour évaluer la contribution des projets à la transition verte.

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