Food consumption in the EU is considered responsible of around 10% of deforestation in the world

Milos Schmidt

La loi européenne sur la déforestation reportée et diluée par le Parlement

Le projet de loi devrait entrer en vigueur fin 2025, mais doit maintenant être renégocié avec les États membres. Une majorité de droite a fait pression pour des amendements visant à affaiblir les dispositions, lors d’un vote contesté.

Le Parlement européen a voté jeudi le report et la modification des dispositions de sa « loi sur la déforestation », un règlement européen qui impose des obligations de diligence raisonnable à tous les commerçants important des matières premières spécifiées en Europe.

Selon la loi proposée, les produits bovins, le cacao, le café, l’huile de palme, le caoutchouc, le soja et le bois, ainsi que leurs produits dérivés, ne doivent pas provenir de terres déboisées, et les importateurs doivent garantir une traçabilité totale.

La législation a été proposée par la Commission européenne pour rompre le lien entre la demande européenne et la déforestation mondiale, la consommation européenne de certains produits étant responsable d’environ 10 % de la déforestation mondiale, selon un rapport de la FAO.

Le PE vote pour des exigences moins strictes

La loi sur la déforestation a été définitivement approuvée par les institutions européennes en 2023, et ses dispositions devraient devenir contraignantes le 30 décembre 2024 pour les grandes entreprises, et six mois plus tard pour les petites et micro-entreprises. Or, en octobre dernier, la Commission européenne a proposé de décaler les délais d’un an, les reportant à fin 2025 pour les grandes entreprises et mi-2026 pour les plus petites.

La Commission a expliqué que ce retard accorderait une période d’introduction progressive de 12 mois pour « garantir une mise en œuvre appropriée et efficace ».

Les pays de l’UE ont rapidement approuvé la proposition de la Commission et, même si le Parlement a désormais emboîté le pas, il a également approuvé huit nouveaux amendements au texte qui doit maintenant être approuvé par le Conseil de l’UE.

Les amendements visent à rationaliser le processus et à réduire les charges pesant sur les importateurs, mais les ONG environnementales affirment que cela affaiblirait les normes de conformité. « Nous visons à mettre un terme à la déforestation illégale à l’échelle mondiale, mais sans surcharger les entreprises agricoles européennes ou les partenaires commerciaux internationaux », a déclaré l’eurodéputée Christine Schneider, négociatrice principale du Groupe PPE sur la législation sur la déforestation, lors d’une conférence de presse après le vote.

Par exemple, l’Amendement 11 introduit une nouvelle catégorie de pays « sans risque » en matière de déforestation, aux côtés des catégories existantes « faible », « standard » et « à haut risque ». Cette classification s’appliquerait aux pays ayant « un développement stable ou croissant de la superficie forestière ». Ces pays « sans risque » seraient confrontés à des exigences nettement moins strictes en raison de leur risque de déforestation négligeable. La Commission est chargée de finaliser un système d’analyse comparative des pays d’ici la mi-2025.

Un autre amendement, l’amendement 6, stipule que « les produits concernés provenant de pays qui ne présentent aucun risque pourraient être mis sur le marché de l’UE s’ils ont été produits conformément à la législation en vigueur du pays de production et satisfont aux exigences en matière de documentation ».

« Aucun risque ne signifie pas qu’il n’y a pas de déclarations de diligence, mais nous devons être très prudents lorsque nous négocions dans le trilogue ce qui est réellement nécessaire pour atteindre les objectifs du règlement sur la déforestation », a déclaré l’eurodéputé Schneider. « Si certains pays peuvent prouver qu’ils ont une gestion durable des forêts (…) et atteindre les objectifs que nous voulons atteindre, ils n’auront pas à faire le même travail que d’autres pays. »

L’ensemble du texte législatif va désormais être examiné et approuvé à nouveau par le Parlement européen et le Conseil. La Commission européenne conserve la possibilité de retirer la proposition ou de s’opposer aux amendements approuvés par le Parlement. Dans ce cas, le Conseil exigerait l’approbation unanime des amendements, alors qu’habituellement, une majorité qualifiée suffit.

A l’heure actuelle, la Commission évalue le résultat du vote avant de prendre position, a indiqué jeudi son porte-parole Eric Mamer.

Une nouvelle majorité « anti-verte » ?

Le report a été approuvé au Parlement par 371 voix, contre 240 et 30 abstentions. Toutefois, les amendements ont été adoptés avec des majorités plus étroites, parfois avec seulement une poignée de voix.

Des problèmes techniques avec les machines à voter du Parlement ont conduit certains députés, comme la présidente de Renew Europe, Valérie Hayer, à demander un nouveau vote. Cela a été démenti par la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola.

Les modifications apportées à la loi ont été soutenues par le Parti populaire européen (PPE), le parti d’extrême droite des Conservateurs et réformistes européens (ECR), le parti d’extrême droite Patriotes pour l’Europe (PfE) et l’Europe des nations souveraines (ESN). Les députés libéraux de Renew Europe étaient divisés, tandis que les partis de gauche ont voté contre les amendements.

Cette coalition, souvent qualifiée de « majorité vénézuélienne » en raison de son soutien à la reconnaissance du candidat de l’opposition vénézuélienne Edmundo González comme président légitime du pays, contraste avec la majorité pro-européenne (PPE, Socialistes et Démocrates et Renew Europe) qui a soutenu le dernier mandat d’Ursula von der Leyen. Cela brise également le « cordon sanitaire », un système conçu par les forces les plus centristes du Parlement pour empêcher l’extrême droite d’influencer les décisions de l’UE.

Ce passage à une majorité de droite au Parlement pourrait s’étendre aux futurs votes sur les dispositions environnementales, mettant potentiellement en péril des éléments clés du Green Deal. Cela pourrait également influencer l’orientation politique de la prochaine Commission européenne, dont la composition est actuellement en négociation dans une impasse politique.

Greenpeace et les groupes environnementaux affirment que si la Commission accepte une loi édulcorée sur la déforestation, cela pourrait signifier que d’autres éléments du Green Deal pourraient être annulés, même s’ils ont déjà été adoptés.

Le vote du Parlement place également la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, dans une position difficile, dans la mesure où les amendements ont été introduits par son propre Parti populaire européen. Comme le montrent les débats sur la loi sur la restauration de la nature, un autre dossier historique du Green Deal, la faction du PPE au Parlement semble de plus en plus encline à s’opposer aux efforts de protection de l’environnement de la Commission.

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