Students carry a European Union flag during the annual Schumann parade in Warsaw, May 2005

Jean Delaunay

Eurovues. Que signifient les élections européennes pour l’égalité des sexes ?

Le résultat des prochaines élections au Parlement européen influencera directement quels droits seront protégés, quelles libertés seront défendues et comment nous éliminerons à l’avenir la violence sexiste, écrit Sophie Pouget.

Si vous êtes seul dans les bois, préférez-vous rencontrer un ours ou un homme ?

Cette récente tendance TikTok a relancé un débat important sur la sécurité des femmes, puisque presque toutes les femmes de la plateforme, ainsi que X et Instagram, ont choisi l’animal sauvage géant.

Leurs réponses ne sont pas surprenantes. Aux quatre coins de l’Europe, hors ligne et en ligne, les femmes sont victimes d’abus. Certains sont traqués, certains harcelés, certains agressés. Le problème est si répandu et si répandu dans l’ensemble de l’UE qu’une femme sur trois a subi une forme de violence sexuelle ou physique.

Même si ce discours viral ne tient pas compte de la manière dont la plupart des violences sont perpétrées par des partenaires intimes, il est un fait que, dans l’ombre des confinements pandémiques, les cas de violence domestique ont fortement augmenté. En France par exemple, plus de 100 femmes sont tuées chaque année par leur partenaire actuel ou ancien, tandis qu’un viol ou une tentative de viol a lieu toutes les 2,5 minutes.

Les femmes LBTIQ+, les femmes handicapées et les migrantes sont encore plus en danger. Une étude récente révèle que les femmes migrantes en France sont neuf fois plus exposées aux violences sexuelles et 18 fois plus susceptibles d’être victimes de viol.

Il y a une bonne nouvelle : non seulement l’UE a ratifié la Convention d’Istanbul, un instrument international pour la protection des femmes, mais elle a également récemment adopté une législation pour lutter contre la violence à l’égard des femmes, notamment en interdisant les mutilations génitales féminines, les mariages forcés et la cyber-violence.

Une affaire inachevée

Mais deux années d’échanges dans les salles de négociation de Bruxelles ont révélé un manque choquant de volonté politique pour mettre fin à toutes les formes de violence basée sur le genre. La France et l’Allemagne s’étaient scandaleusement alliées à la Hongrie pour exclure de la nouvelle loi une définition du viol fondée sur l’absence de consentement libre.

Le viol est l’une des formes de violence les plus horribles mais les plus fréquentes. On estime que 5 % de toutes les femmes de l’UE ont été violées.

Pourtant, la plupart des femmes et des filles ne le font pas, de peur de ne pas être crues, entre autres raisons. « Si j’étais attaqué par l’ours, au moins tout le monde me croirait », a déclaré un utilisateur des réseaux sociaux.

Devant les tribunaux français, il incombe à la victime de prouver que l’acte a été commis sous la menace, la contrainte, la surprise ou la violence… C’est une approche dépassée et dangereuse. Sans un « oui » éclairé et librement donné, c’est un viol.

Des femmes et des militantes défilent pour marquer la Journée internationale des femmes, à Paris, en mars 2021
Des femmes et des militantes défilent pour marquer la Journée internationale des femmes, à Paris, en mars 2021

L’introduction d’une définition du viol basée sur le consentement dans l’UE aurait bénéficié aux survivantes de plus de 15 pays, dont la France.

Devant les tribunaux français, il appartient à la victime de prouver que l’acte a été commis sous la menace, la contrainte, la surprise ou la violence. Établir l’un de ces quatre éléments est beaucoup plus difficile qu’il n’y paraît et, trop souvent, le consentement est présumé par défaut.

Il s’agit d’une approche dépassée et dangereuse. Sans un « oui » éclairé et librement donné, c’est un viol.

Historiquement, il a été démontré que la présence de mouvements féministes est le facteur le plus important dans la volonté d’un pays de lutter contre la violence sexiste. Les organisations féministes ont besoin et méritent davantage de soutien pour pouvoir faire pression en faveur d’une législation ambitieuse, offrir un soutien aux survivantes et sensibiliser le public.

Cependant, lorsqu’il s’est agi de criminaliser le viol dans l’ensemble de l’UE, les revendications des femmes sont tombées dans l’oreille d’un sourd, le ministre français de la Justice affirmant que le changement juridique finirait par « contractualiser les relations sexuelles » en exigeant un consentement explicite. Il y a encore du travail à faire pour remettre en question ces mythes néfastes.

L’égalité des sexes sur le bulletin de vote

Au cours des cinq dernières années, les débats au Parlement européen ont démontré que l’engagement des décideurs politiques est tout sauf garanti. Les recherches d’Oxfam France révèlent un paysage polarisé : alors que les partis de gauche, les verts et les socialistes ont avancé des mesures allant de la transparence salariale aux droits LGBTQ+, les groupes d’extrême droite se sont systématiquement opposés à ces initiatives.

Et malgré quelques progrès en matière d’égalité des sexes en Europe, les lois nationales concernant le viol, l’avortement, la contraception, l’éducation sexuelle et les droits LGBTQ+ sont aussi variées que la craie et le fromage.

Le résultat des prochaines élections au Parlement européen influencera directement quels droits seront protégés, quelles libertés seront défendues et comment nous éliminerons à l’avenir la violence sexiste.

Femmes polonaises habillées en personnages inspirés du roman de Margaret Atwood "Le conte de la servante," participer à une manifestation contre une décision sur l'avortement à Varsovie, décembre 2020
Des Polonaises habillées en personnages inspirés du roman de Margaret Atwood « The Handmaid’s Tale » participent à une manifestation contre une décision sur l’avortement à Varsovie, décembre 2020.

Pourquoi nos droits, nos libertés et notre sécurité devraient-ils dépendre de l’endroit où nous vivons ? Elles ne devraient pas, estime l’association féministe Choisir la cause des femmes.

Après avoir parcouru l’Europe à la rencontre d’experts et de militants, Choisir est aujourd’hui pionnier de « la clause européenne la plus favorisée » : une proposition visant à harmoniser les normes avec les meilleures lois de leur catégorie, comme la loi progressiste espagnole « seul oui signifie oui » sur le viol.

Leur objectif est d’inciter les candidats aux élections à s’engager à respecter ces normes les plus élevées afin que tous les Européens puissent bénéficier des protections les plus solides.

Cette initiative est particulièrement urgente à l’heure où les tendances politiques s’orientent vers le conservatisme dans des pays comme l’Italie, la Slovaquie et la Suède, où les droits risquent d’être remis en question dans un contexte de rhétorique antiféministe virulente et d’afflux de millions d’euros dans des groupes anti-genre.

Le résultat des prochaines élections au Parlement européen influencera directement quels droits seront protégés, quelles libertés seront défendues et comment nous éliminerons à l’avenir la violence sexiste.

C’est pourquoi nous avons besoin de plus, et non de moins, d’élus à l’écoute des groupes de base comme Choisir, non seulement conscients des besoins de la communauté mais aussi passionnés par les solutions.

Chaque vote exprimé a le pouvoir de déterminer si les femmes se sentiront plus en sécurité à la maison ou seules dans les bois.

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