German Bundeswehr soldiers stand next to a self-propelled howitzer PzH 2000 of German Army at a training range in Pabrade, north of the capital Vilnius, May 2024

Jean Delaunay

Eurovues. L’UE doit favoriser une intégration plus approfondie de la défense avec les pays candidats

La situation actuelle exige que l’UE place l’alignement de la politique étrangère et de défense au cœur du processus d’élargissement, écrivent Laurence Boone et Nicu Popescu.

On se souvient de Jean Monnet pour avoir inventé un stratagème technocratique intelligent : intégrer les industries de l’acier et du charbon d’anciens ennemis comme le meilleur moyen d’assurer une paix stable sur le continent européen. Sa méthode technocratique a contribué à créer l’UE.

Aujourd’hui, alors que l’UE se prépare à de futurs élargissements aux Balkans et à l’Est – le bloc visant à entamer les négociations d’adhésion avec l’Ukraine et la Moldavie d’ici la fin juin – l’intégration géopolitique et même militaire devrait occuper le devant de la scène.

Avant que Jean Monnet puisse inventer l’UE, il a passé une grande partie de sa vie professionnelle à développer des économies de guerre et à aider ses alliés démocratiques à remporter deux guerres mondiales.

Pendant la Première Guerre mondiale, il s’est fortement impliqué dans la recherche de blé et de bateaux à prix abordables, et pendant la Seconde Guerre mondiale, il a travaillé dur pour trouver des moyens d’augmenter la production de chars et de bombardiers grâce au soi-disant programme américain Victory.

Avant de pouvoir persuader le gouvernement français de lancer la Communauté européenne et sidérurgique en 1950, il dut d’abord persuader le président américain Roosevelt d’augmenter considérablement la production de chars et de bombardiers au début des années 1940 pour rendre l’intégration européenne possible.

La paix, il le savait, ne pouvait être gagnée qu’avec les armes. La victoire militaire sur les champs de bataille a rendu possible l’intégration européenne et la « méthode Monnet » d’intégration technocratique.

Répondre à la guerre en élargissant la paix

Alors que la plus grande guerre sur le sol européen depuis la Seconde Guerre mondiale fait rage sur le continent et que son issue est incertaine, il est temps pour l’UE de réinsérer le sens de l’histoire dans le processus habituel d’intégration technocratique.

Il est temps de rappeler que l’UE ne peut être technocratique que grâce à la paix. Et la paix exigeait une puissance militaire sous forme d’alliances et d’armes. Les armes ont aidé l’Occident démocratique et l’UE à survivre, à remporter et à défendre leurs victoires.

La guerre a contraint les Européens à engager, une fois de plus, une conversation sur la manière de faire de l’Europe une puissance géopolitique. Mais à mesure que l’Europe s’apprête à faire davantage en matière de politique et d’industrie de défense, la manière dont l’élargissement est poursuivi doit également changer.

Tout comme l’UE doit adapter ses dépenses de défense, sa production d’armes, sa budgétisation et ses priorités énergétiques à la guerre, sa politique d’élargissement devrait également commencer à intégrer ces mesures.

Un soldat de l'EUFOR sourit lors d'une cérémonie d'ouverture de l'exercice
Un soldat de l’EUFOR sourit lors d’une cérémonie d’ouverture de l’exercice « EUFOR Quick Response 2023 » à Sarajevo, septembre 2023

Tout comme l’UE doit adapter ses dépenses de défense, sa production d’armes, sa budgétisation et ses priorités énergétiques à la guerre, sa politique d’élargissement devrait également commencer à intégrer ces mesures.

En invitant l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie à devenir pays candidats et en accélérant les négociations avec certains pays des Balkans occidentaux, l’UE a répondu à la guerre en décidant d’élargir davantage son projet de paix.

Mais maintenant, le processus lui-même doit également être amélioré. La méthodologie actuelle de l’élargissement de l’UE repose sur deux piliers : le suivi de la mise en œuvre de l’acquis communautaire à travers les 35 chapitres de l’adhésion et le suivi rigoureux des soi-disant fondamentaux : la réforme du secteur de la justice, l’État de droit et les normes démocratiques.

Ces pierres angulaires du processus d’élargissement doivent être conservées. Mais ils doivent être renforcés par un troisième alignement, tout aussi fondamental : sur les politiques de défense et de sécurité.

La politique d’élargissement doit répondre aux besoins de défense

La méthodologie d’élargissement de l’UE surveille rigoureusement la mise en œuvre des normes européennes dans des domaines allant de la libre circulation des marchandises aux normes relatives à la production de plastiques.

Cependant, elle doit désormais surveiller les questions de défense avec la même vigueur, notamment les dépenses militaires, l’interopérabilité et une coopération militaire et en matière de renseignement plus approfondie avec les pays candidats.

La situation actuelle exige que l’UE place l’alignement de sa politique étrangère et de sa politique de défense au cœur du processus d’élargissement.

Lors de la plupart des cycles précédents d’élargissement de l’UE, ces aspects ont été abordés par l’OTAN, et cela a bien fonctionné. Cependant, tous les pays candidats à l’UE ne sont pas sur la bonne voie pour rejoindre l’OTAN, et des pans importants de l’establishment politique américain ont de fortes tendances isolationnistes.

Qu’il le veuille ou non, surtout si l’isolationnisme américain s’approfondit, l’UE doit poursuivre des objectifs plus ambitieux dans le domaine militaire, seule mais aussi vis-à-vis de ses futurs membres. L’UE ne peut pas confier toutes les dimensions de sécurité et de défense de son élargissement à des pays qui ne sont pas en train d’adhérer à l’OTAN.

L’Union européenne doit améliorer ses critères d’élargissement afin d’avoir un ensemble de demandes beaucoup plus intrusives concernant les politiques de sécurité et de défense des futurs États membres de l’UE, en vue de converger vers les critères de l’OTAN, l’UE étant un pilier solide de l’OTAN.

Tout comme la lutte contre la corruption est « fondamentale », un meilleur alignement des politiques de défense pour le reste de l’Europe l’est tout autant.

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