La Russie veut que l’OTAN se concentre uniquement sur les développements en Ukraine, nous faisant oublier ses plans impérialistes ailleurs, écrit Matas Maldeikis.
La Lituanie a toujours soutenu l’Ukraine. Elle reste l’un des trois plus grands donateurs en termes de PIB parmi tous les pays membres de l’OTAN et son peuple comprend mieux que quiconque la menace que représente la Russie.
Depuis la chute de l’Union soviétique, nous assistons à une Russie de plus en plus autoritaire sous la direction de Vladimir Poutine. Ses objectifs restent les mêmes que sous l’ancien bloc communiste : perturber, étendre et influencer.
Ces jeux géopolitiques de pouvoir se jouent au-delà de l’Europe, y compris dans les pays du « Sud global ». Poutine espère qu’en faisant pression sur ces pays en développement rapide, il pourra créer de nouvelles divisions diplomatiques entre eux et l’Occident.
La division offre à Poutine l’occasion de diviser le soutien international à son invasion de l’Ukraine et de construire un nouveau réseau d’États clients de la Russie.
Tout se résume à Haftar
La nation fragile de Libye en est l’exemple le plus frappant et sert de tremplin à une grande partie de la campagne russe en Afrique subsaharienne.
Depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye peine à retrouver une base démocratique. Les conflits sont permanents entre gouvernements rivaux et hommes forts qui se disputent le contrôle des abondantes ressources pétrolières et gazières du pays.
La Russie a profité de cette instabilité et a renforcé son engagement avec l’homme fort prédominant dans l’est du pays, le général Khalifa Haftar, qui dirige une importante milice connue sous le nom d’Armée nationale libyenne (LNA).
Pour réaliser cette ambition d’un État client de la Libye sous l’autorité du clan Haftar, la Russie a renforcé les activités néfastes de Haftar, notamment la contrebande de carburant et l’impression de monnaie, et a entamé des discussions pour intensifier le partenariat militaire par le biais d’une base de sous-marins nucléaires russes dans le port de Tobrouk.
Ces évolutions représentent non seulement des menaces économiques directes pour les ressources et les approvisionnements énergétiques européens, mais également des menaces militaires, puisque la Méditerranée sera ouverte aux forces russes.
En tant que nation, la Libye revêt une importance stratégique majeure pour Poutine. Il est conscient de la proximité de la Libye avec des États du sud de l’Europe comme l’Italie et l’Espagne et sait que son influence sur d’importantes ressources énergétiques peut être utilisée pour influencer la politique énergétique et étrangère européenne.
La Libye reste le point de départ de la plupart des migrations vers l’Europe, et la poursuite du conflit dans le pays ne fera qu’aggraver la situation.
Combinée à sa richesse en ressources, la Libye ne pourrait pas être une plateforme plus attrayante pour la Russie pour baser ses opérations en Afrique et les connecter aux routes d’approvisionnement en Syrie.
Entonnoirs, mandataires et États vassaux
La Libye s’est révélée être un entonnoir idéal pour que Poutine puisse y introduire ses mercenaires russes, poussant les forces russes par procuration au cœur de l’Afrique. Le Soudan, le Mali et d’autres États du Sahel ont tous ressenti ces répercussions lorsque des combattants russes, déterminés à semer le chaos, sont lâchés aux côtés des milices, des juntes et des forces rebelles.
Cette stratégie porte déjà ses fruits dans des pays comme le Niger et le Mali, dont les gouvernements militaires parvenus ont également récemment rompu leurs relations avec l’Ukraine.
Pour élargir ce couloir de chaos en Libye, Poutine a cherché à exercer son influence sur d’importantes institutions nationales.
La National Oil Corporation (NOC), sous la direction de Ferhat Bengdara, continue de succomber à la corruption favorisée par les divisions du pays, avec des milliards de dollars de fonds publics toujours non comptabilisés, contribuant à conduire à la faillite l’industrie pétrolière libyenne sur laquelle elle comptait tant.
Au cours des dernières semaines, l’escalade des forces de Haftar a apporté une nouvelle incertitude à la sécurité énergétique européenne, alors que de vastes champs pétroliers comme El Sharara sont bloqués et fermés par son LNA, avec une réponse verbale lente et molle de ses alliés de la NOC.
À mesure que la Libye tombe de plus en plus sous l’influence de Haftar, il existe un risque réel qu’elle devienne un État vassal de Poutine.
La Russie veut que l’OTAN se concentre uniquement sur les développements en Ukraine, nous faisant oublier ses plans impérialistes ailleurs.
L’OTAN doit rester unie face aux défis croissants en matière de sécurité énergétique et œuvrer collectivement à la réalisation de nos ambitions visant à soutenir les efforts contre ces jeux géopolitiques.
Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons garantir que la Russie ressente pleinement la force des sanctions internationales et que nos alliés en Ukraine réussiront.