Demonstrators hold Kanak and Socialist National Liberation Front (FLNKS) flags during a gathering in Paris

Jean Delaunay

Comment l’Azerbaïdjan est-il impliqué avec la France et la Nouvelle-Calédonie ?

La France a accusé l’Azerbaïdjan de s’ingérer dans son territoire du Pacifique, la Nouvelle-Calédonie, en soutenant les mouvements indépendantistes et en diffusant de la désinformation, dans un contexte de tensions géopolitiques plus larges.

La France a accusé l’Azerbaïdjan de s’ingérer dans son territoire, l’archipel du Pacifique, en Nouvelle-Calédonie.

Malgré la grande distance géographique et culturelle entre l’État caspien et le territoire français du Pacifique, cette revendication est enracinée dans un réseau complexe de tensions historiques, politiques et diplomatiques.

La crise en Nouvelle-Calédonie

La Nouvelle-Calédonie, située entre l’Australie et les Fidji, est un territoire français avec une histoire de lutte pour l’indépendance.

Les récents troubles en Nouvelle-Calédonie ont été déclenchés par une nouvelle loi électorale perçue par la population autochtone kanak comme discriminatoire.

Cette loi accorde aux personnes résidant en Nouvelle-Calédonie depuis au moins dix ans le droit de voter aux élections locales, ce qui, selon les indépendantistes, diluerait le vote kanak.

Les accusations de la France

Le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a déclaré publiquement que l’Azerbaïdjan, aux côtés de la Chine et de la Russie, s’ingérait dans les affaires intérieures de la Nouvelle-Calédonie. « Ce n’est pas un fantasme. C’est une réalité », a déclaré Darmanin à la chaîne de télévision France 2, soulignant la gravité des allégations.

Le gouvernement français souligne l’apparition soudaine de drapeaux azerbaïdjanais lors des manifestations pour l’indépendance kanak et le soutien des séparatistes par des groupes liés à Bakou.

L’Azerbaïdjan a nié avec véhémence toute implication, qualifiant les accusations de sans fondement. « Nous rejetons totalement ces accusations infondées », a déclaré Ayhan Hajizadeh, porte-parole du ministère azerbaïdjanais des Affaires étrangères. « Nous réfutons tout lien entre les dirigeants de la lutte pour la liberté en Calédonie et en Azerbaïdjan. »

Un élément important de cette histoire est le Groupe d’initiative de Bakou, créé lors d’une conférence en juillet 2023 en Azerbaïdjan. Ce groupe, qui comprend des participants de différents territoires français en quête d’indépendance, a pour objectif de soutenir les mouvements anticoloniaux contre la France.

Le groupe a exprimé sa solidarité avec le peuple kanak et a condamné les récentes réformes électorales en Nouvelle-Calédonie. « Nous sommes solidaires de nos amis kanak et soutenons leur juste lutte », a déclaré le Groupe d’initiative de Bakou.

Une femme brandit un drapeau du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie
Une femme brandit un drapeau du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie

Pourquoi la France et l’Azerbaïdjan s’affrontent-ils diplomatiquement ?

Les tensions entre la France et l’Azerbaïdjan s’étendent au-delà de la Nouvelle-Calédonie. La France est un allié traditionnel de l’Arménie, rival historique de l’Azerbaïdjan, notamment dans la région controversée du Haut-Karabakh.

À la suite de la guerre de 2020 et d’une offensive ultérieure de l’Azerbaïdjan en 2023 pour reprendre le contrôle du Haut-Karabakh, la France a ouvertement soutenu l’Arménie.

Ce soutien comprend des accords de défense et des fournitures d’équipements militaires, alimentant encore davantage l’animosité de la part de l’Azerbaïdjan. Darmanin a qualifié l’Azerbaïdjan de « dictature », soulignant la méfiance profondément ancrée.

La France a également accusé l’Azerbaïdjan de se livrer à des campagnes de désinformation visant à déstabiliser ses territoires. Des comptes de réseaux sociaux pro-azerbaïdjanais ont été associés à la diffusion de contenus trompeurs sur les actions de la police française en Nouvelle-Calédonie.

Une source gouvernementale française évoque une « campagne assez massive, avec environ 4 000 posts générés par (ces) comptes », visant à inciter à la violence et à la méfiance.

Cela fait suite au rappel par la France de son ambassadeur en Azerbaïdjan en avril, le président Macron ayant exprimé ses regrets pour les actions de l’Azerbaïdjan et espérant que les Azerbaïdjanais clarifieraient leurs intentions.

Une femme brandit un drapeau du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie
Une femme brandit un drapeau du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie

Pourquoi la Nouvelle-Calédonie ?

Même si l’intérêt direct de l’Azerbaïdjan pour la Nouvelle-Calédonie peut sembler exagéré, il s’inscrit dans une stratégie plus large visant à remettre en question l’héritage colonial français et à soutenir les mouvements séparatistes.

En s’alignant sur les sentiments anticoloniaux, l’Azerbaïdjan vise à se positionner comme un champion des mouvements de libération, tout en discréditant la France sur la scène internationale.

Cet effort est considéré comme faisant partie d’une manœuvre géopolitique plus large, y compris les efforts de l’Azerbaïdjan visant à ternir l’image de la France, comme le montre sa prétendue campagne de désinformation contre la capacité de la France à accueillir les Jeux Olympiques.

Les tensions accrues ont eu d’autres répercussions. Le ministre français des Sports a annulé le passage de la flamme olympique à travers la Nouvelle-Calédonie, pour des raisons de sécurité, mais aussi un geste qui reflète la gravité des troubles et les accusations d’ingérence étrangère.

L’implication de l’Azerbaïdjan dans les troubles en Nouvelle-Calédonie est une question à multiples facettes enracinée dans des rivalités géopolitiques plus larges et des griefs historiques.

Pour l’Azerbaïdjan, soutenir les mouvements indépendantistes sur les territoires français est un moyen de riposter à la France pour son soutien à l’Arménie et de renforcer sa propre position internationale.

Pour la France, ces actions représentent un défi direct à sa souveraineté et à sa stabilité dans ses territoires d’outre-mer, suscitant de fortes accusations et des tensions accrues entre Paris et Bakou.

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