Laisser un bébé faire la sieste… dehors, en plein hiver ? L’idée semble saugrenue aux latitudes tempérées, mais c’est une habitude bien ancrée dans le quotidien des familles nordiques. On vous embarque pour un tour d’horizon d’une tradition qui intrigue, fait sourire (avant qu’on se demande si on ne s’y mettrait pas aussi), et qui, selon de nombreux experts, aurait de vrais bienfaits pour la santé des tout-petits.
Sieste nordique : quand le froid devient un allié santé
Dans les pays nordiques, de la Finlande au Danemark, en passant par la Russie, le Groenland et les Pays baltes, voir un landau posé dans un parc enneigé ou un couffin installé sur un balcon en hiver, pendant que les parents sirotent tranquillement un café, n’a rien d’exceptionnel. Ici, la « sieste nordique » fait partie du paysage, et on ne s’émoustille pas à la première chute de flocons. Cette tradition, reportée par Géo, remonte à plusieurs décennies : au Groenland, par exemple, elle servait à sortir les enfants des « espaces sombres et insalubres, empestant le poisson fumé et le feu de bois » des igloos. Elle s’est ensuite répandue, notamment dès les années 1940 en Suède et en Finlande, pour combattre la mortalité infantile et les effets d’une mauvaise qualité de l’air intérieur.
« Il était considéré comme plus judicieux pour les enfants qu’ils soient à l’extérieur », raconte Petur, Islandais de 38 ans, citant la vétusté des maisons en tourbe et la difficulté d’aérer les espaces de vie.
Un rituel bien huilé : la sécurité avant tout
Avant d’imaginer une armée de bébés vikings jetés dans la neige, rassurez-vous : la préparation à la sieste nordique relève d’un art consommé. Les petits sont enveloppés dans plusieurs couches de laine, chapeautés, gantés et parfois lovés sous des couvertures en peau de mouton ou de renne selon la tradition du pays. La vigilance parentale reste de mise : les bambins ne quittent jamais le champ de vision des adultes. Pas question de leur infliger une nuit polaire façon explorateur perdu dans le blizzard.
Des bénéfices inattendus pour les tout-petits
La « sieste nordique », ce n’est pas seulement pour épater les touristes ! Selon différents témoignages et études, laisser dormir les bébés dehors participe à :
- Renforcer leurs défenses immunitaires
- Réduire les risques de rhume, de toux et d’infections
- Améliorer la qualité et la durée du sommeil
Certains s’interrogent sur la pollution de l’air extérieur, certes, mais les avantages avancés font consensus. Marjo Tourula, chercheur finlandais, a publié en 2011 une étude montrant que la sieste est plus longue dehors, notamment grâce à l’emmaillotage qui limite les mouvements du nourrisson. « Cela augmente la durée du sommeil et peut aider les enfants à se rendormir seuls, sans l’intervention des parents », précise-t-il.
Point météo : la température idéale pour cette sieste froide ? Autour de -5 °C, selon les recommandations, avec une limite de trois heures pour les plus basses températures.
Et cerise sur le flocon, le bruit extérieur serait un doux berceur… Contrairement à l’idée reçue du silence absolu, Nathalie Schittekatte, coach en sommeil, souligne que « les sons extérieurs sont assez doux et répétitifs ». Dans le ventre maternel, il y avait du bruit ! Un peu d’ambiance, donc, aiderait les bébés à tomber dans les bras de Morphée plus facilement qu’au calme monacal.
Quand la sieste nordique s’exporte au-delà du cercle polaire
Cette tradition, autrefois cantonnée au nord, inspire désormais des crèches en France et en Belgique. À Brest (crèche Jean-de-La-Fontaine), à Saint-Maur-des-Fossés ou encore à Gand ou Tongres, on installe les bébés dehors grâce à de robustes « maisons de sommeil » sur pieds, dotées de portes en moustiquaire pour éviter l’humidité et les intrus indésirables (bye bye les insectes et la brume).
Parmi les observations :
- Des dormeurs réputés difficiles finissent par apprécier les sons de la nature et s’endorment paisiblement
- Les enfants semblent moins malades
- Même les petits souffrant d’asthme nécessitent moins de médicaments durant leur séjour en crèche
Le personnel vérifie toutes les quinze minutes que les bébés se portent bien. On est loin de la sieste « lâchée en pleine nature » : c’est organisé, sécurisé, presque une chorégraphie nordique.
Conclusion : et si on regardait la neige différemment ?
La sieste nordique ne se limite pas à installer son bébé dehors par un froid polaire pour le folklore, mais s’appuie sur une histoire et des retours d’expérience étoffés. De génération en génération, on transmet cette façon de « blinder » les petits contre l’hiver… et peut-être contre les aléas de la vie, comme le confie Tore Keller, journaliste danois. De là à poser votre poussette sous la pluie bretonne ou la neige francilienne, il n’y a peut-être qu’un pas… À condition, comme les Nordiques, d’y mettre le soin, la surveillance et la laine adéquats. Après tout, qui n’a jamais rêvé de voir un bébé roupiller paisiblement sous les flocons ?



