3 raisons pour lesquelles le pari électoral de Macron pourrait tourner mal

Martin Goujon

3 raisons pour lesquelles le pari électoral de Macron pourrait tourner mal

PARIS — La France s’est réveillée encore dans le brouillard après une nuit de troubles politiques qui a plongé le pays dans une période d’incertitude de plusieurs semaines.

Dimanche soir, peu après que les premières projections montraient que le Rassemblement national (RN) d’extrême droite remporterait les élections européennes en France avec une avance de plus de 15 pour cent, le président français Emmanuel Macron a annoncé qu’il dissoudrait le Parlement et convoquerait des élections anticipées. Les électeurs se rendront à nouveau aux urnes dans moins de trois semaines et une nouvelle Assemblée nationale sera élue après le second tour du 7 juillet.

« La France a besoin d’une majorité claire dans la sérénité et l’harmonie », a déclaré Macron en s’adressant à la nation. Depuis sa réélection en 2022, le président français peine à gouverner sans majorité à l’Assemblée nationale. Le leader centriste fait faillite en tentant de relancer sa présidence boiteuse, tendant des branches d’olivier aux forces modérées de gauche et de droite dans le but de recréer la force d’attraction centriste qui a alimenté son accession au pouvoir en 2017.

Dans le scénario idéal de Macron, le camp présidentiel profite des luttes intestines à gauche et du manque d’élan à droite pour attirer les députés sortants dans ses rangs et remporter des sièges supplémentaires à l’Assemblée nationale.

Mais avec la popularité de l’extrême droite à un niveau historique, le pari de Macron pourrait tout aussi bien se retourner contre lui et ouvrir la voie à des conséquences sans précédent.

Voici trois scénarios possibles de ce qui pourrait arriver ensuite pour la France :

  1. Jordan Bardella, premier ministre français

Ce qui était autrefois inimaginable ne semble plus tiré par les cheveux : d’ici quelques semaines, le gouvernement français pourrait être dirigé par l’extrême droite pour la première fois dans l’histoire moderne.

Si le Rassemblement national obtenait la majorité absolue, Emmanuel Macron serait effectivement contraint de nommer comme Premier ministre l’un de ses dirigeants, vraisemblablement Jordan Bardella – le président du RN qui vient de mener son camp à la victoire aux élections européennes.

Macron n’a aucune obligation constitutionnelle de le faire, mais s’il refusait, le gouvernement nommé serait probablement confronté à un vote de censure, ce qui le rendrait impossible à gouverner et le forcerait effectivement à nommer un gouvernement conforme à la majorité au Parlement.

Le RN a désigné Bardella comme « candidat » au poste de Premier ministre, a annoncé lundi le vice-président du parti Sébastien Chenu.

Le RN détient actuellement 88 sièges à l’Assemblée nationale et devrait porter ce total à 289 pour détenir la majorité absolue. La tâche qui l’attend sera compliquée pour le pouvoir d’extrême droite, mais pas impossible : un sondage commandé plus tôt cette année par le conservateur Les Républicains parti et divulgués au magazine français L’Obs ont montré que le RN remporterait 243 à 305 sièges en cas d’élections anticipées.

  1. Impasse totale

Avec 250 députés depuis 2022 – à quelques dizaines de la majorité absolue – le gouvernement Macron a vécu sous la menace constante d’un vote de censure au cours des deux dernières années. Sur des lois clés, notamment la très impopulaire réforme des retraites, le président et son Premier ministre ont utilisé des outils constitutionnels pour adopter une loi sans vote au Parlement.

Avec la montée de l’extrême droite et la possibilité d’une nouvelle alliance de gauche, les prochaines élections pourraient conduire à une Assemblée nationale encore plus divisée, sans aucune perspective de formation d’une majorité claire. Dans un pays où les coalitions sont rarement construites au-delà des lignes idéologiques, le problème de la gouvernance pourrait aller de mal en pis.

« Il y avait une autre voie, celle d’une coalition », a déclaré lundi dans un entretien Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale et membre de la coalition pro-Macron. «Le président a consciemment décidé que cette voie n’existait pas. Je prends note de cette décision.

Macron a affirmé à plusieurs reprises sa volonté de former une coalition gouvernementale Les Républicains – une alliance qui aurait conduit à une majorité absolue au Parlement – ​​en espérant que son virage à droite rendrait cela possible. Mais le parti conservateur s’est opposé à plusieurs reprises à la tentative du président et, dimanche soir, il était toujours déterminé à se présenter sous ses propres couleurs aux prochaines élections.

  1. Macron sorti ?

Dans un système politique centré autour du président, la question de la propre responsabilité de Macron dans la crise actuelle se posera inévitablement si son pari électoral se retourne contre lui.

En 1969, après avoir perdu un référendum, le président Charles de Gaulle, ancêtre de l’actuelle République française, a présenté sa démission, interprétant les résultats du vote comme un désaveu personnel.

À ce stade, la démission de Macron n’est pas discutée, et un conseiller du président a déclaré que l’intention du président en convoquant des élections anticipées était entièrement de gagner. « Je suis le seul à ne rien risquer », a déclaré Macron cité par le quotidien français Le Monde.

On ne sait pas si la fin de la présidence de Macron signifierait la fin de sa carrière politique : si le président français ne pourrait pas briguer un troisième mandat consécutif, à 46 ans, il aurait encore du temps devant lui pour tenter un troisième mandat plus tard. temps.

L’incertitude politique entourant la situation actuelle pourrait également conduire Macron à utiliser pleinement l’étendue des pouvoirs offerts à l’exécutif par la Constitution française, affaiblissant ainsi davantage le rôle du législatif.

« La classe politique mise désormais beaucoup sur l’urgence, un Parlement bloqué pourrait pousser l’exécutif à utiliser davantage ses pouvoirs sous ce prétexte », a déclaré la professeure de droit constitutionnel Lauréline Fontaine. « Cela pourrait aller dans les deux sens : soit Macron aura les coudées encore plus libres – ce sur quoi il parie, je pense –, soit la situation politique sera complètement gelée. »

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