La fureur monte contre Shein alors que le géant du commerce électronique ouvre une boutique à Paris

Martin Goujon

La fureur monte contre Shein alors que le géant du commerce électronique ouvre une boutique à Paris

PARIS — L’entrepreneur franc-parlant de 34 ans, Frédéric Merlin, savait qu’il ébourifferait les plumes en acceptant de laisser Shein ouvrir une boutique dans son grand magasin phare BHV, un monument historique de Paris situé en face de l’Hôtel de Ville de Paris.

Mais il ne se doutait probablement pas que l’ampleur de l’indignation allait monter en flèche après les accusations du week-end selon lesquelles le géant de la fast-fashion aurait autorisé la vente de poupées sexuelles enfantines sur sa plateforme.

Aujourd’hui, l’ouverture mercredi du premier magasin physique de Shein, une initiative destinée à attirer une jeune génération d’acheteurs dans le centre commercial en difficulté, semble certainement être gâchée par le scandale boule de neige.

Deux candidats à l’élection à la mairie de Paris l’année prochaine, Emmanuel Grégoire et Ian Brossat, prévoient de tenir une conférence de presse mercredi devant le BHV pour protester contre l’arrivée de Shein en France. La police s’était rassemblée devant le centre commercial mardi soir, alors que les petites manifestations organisées à l’extérieur du centre commercial devaient se poursuivre après l’ouverture.

Shein suscite depuis longtemps la controverse sur un modèle commercial qui, selon les critiques, bafoue les droits des travailleurs et les normes environnementales – en particulier en France, un pays fier de son industrie de la mode nationale très réputée et où les acheteurs restent plus attachés à l’expérience en magasin que, par exemple, les États-Unis.

Les révélations sur la vente de poupées sexuelles enfantines sur la plateforme ont intensifié la fureur à l’égard de la plateforme, à tel point que Merlin a déclaré à la radio française qu’il envisageait de reporter l’ouverture de la boutique, même après avoir drapé le BHV de grandes banderoles pour l’occasion.

Le ministre français de l’Economie, Roland Lescure, a menacé lundi d’interdire à Shein de vendre ses produits en France. | Stéphane De Sakutin/AFP via Getty Images

Le ministre français de l’Economie, Roland Lescure, a menacé lundi d’interdire à Shein de vendre ses produits en France et a déclaré qu’il avait chargé l’organisme de régulation numérique français Arcom d’examiner la question. Le parquet de Paris a ouvert lundi une enquête sur des pratiques chez Shein, mais aussi chez AliExpress, Temu et Wish, selon les médias français.

Mais Merlin a déclaré que la réponse rapide de Shein à un scandale qu’il a qualifié de « méprisable » et « indécent » l’avait convaincu de continuer à aller de l’avant.

Mardi, le porte-parole de Shein en France a déclaré que la société « coopérerait à 100% avec les autorités judiciaires » pour identifier les acheteurs et avait suspendu la vente de toutes les poupées sexuelles sur ses sites Internet.

Le président exécutif de Shein, Donald Tang, a déclaré à L’Observatoire de l’Europe que la société avait créé un « panel d’intégrité » pour examiner quels produits sont téléchargés sur la plateforme et avait lancé une enquête interne.

« Nous devons agir rapidement pour garantir que cela ne se reproduise plus », a-t-il déclaré.

La dernière controverse survient au milieu de questions plus larges en France et au-delà concernant le respect par Shein des règles et de la législation de l’Union européenne. En juillet, la DGCCRF a infligé une amende de 40 millions d’euros à l’entreprise pour avoir induit les consommateurs en erreur sur les prix.

En mai déjà, la Commission européenne et les autorités de protection des consommateurs avaient également notifié à la plateforme des violations présumées de la loi sur la protection des consommateurs, notamment de fausses remises et des allégations trompeuses en matière de durabilité. Le commissaire européen à la Justice, Michael McGrath, a déclaré plus tard qu’il était déterminé à sévir contre la vente de produits sur Temu et Shein qui ne sont pas conformes aux réglementations de l’UE.

La Commission suit de près les enquêtes en cours en France. L’exécutif européen est chargé de surveiller Shein, Temu et AliExpress en vertu de sa puissante loi sur les services numériques, car il s’agit de plateformes comptant plus de 45 millions d’utilisateurs qui comportent des risques systémiques.

Lundi, un porte-parole de la Commission a refusé de commenter les enquêtes menées en France, mais a déclaré que l’exécutif européen était en contact étroit avec les autorités françaises.

L’incident soulève également des questions sur la manière dont les plateformes de commerce électronique protègent les mineurs et utilisent la vérification de l’âge, un autre élément clé du DSA. C’est un sujet qui tient à cœur au président français Emmanuel Macron, qui a activement réclamé des vérifications d’âge plus strictes en ligne.

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