Des députés iraniens veulent bannir les animaux domestiques pour protéger le mode de vie islamique

Bastien

Des députés iraniens veulent bannir les animaux domestiques pour protéger le mode de vie islamique

Un quart des parlementaires iraniens souhaitent interdire la possession d’animaux de compagnie, invoquant une menace sur les valeurs familiales et religieuses. Une initiative qui suscite une vague d’indignation dans la société iranienne, mais aussi un florilège de moqueries.

Un projet de loi aux contours idéologiques

Ils sont 75 députés, soit un quart du Parlement iranien, à avoir cosigné une proposition de loi au titre évocateur : Soutien aux droits de la population face aux animaux nuisibles et dangereux. L’intention affichée ? Préserver le mode de vie islamique traditionnel en limitant la présence d’animaux domestiques dans les foyers. Selon ces élus, vivre avec un animal constituerait un « problème social destructeur », menaçant d’affaiblir les liens humains au profit d’attachements émotionnels envers les bêtes.

Le texte vise à interdire toute forme de détention ou de déplacement d’animaux jugés problématiques, incluant non seulement les espèces exotiques comme les crocodiles ou serpents, mais aussi des compagnons courants tels que les chats, chiens, lapins ou tortues. Ces derniers sont considérés comme « impurs » selon l’interprétation religieuse défendue par les auteurs du projet.

Tout contrevenant s’exposerait à une amende comprise entre 10 et 30 fois le salaire mensuel minimum, soit jusqu’à 2 600 euros, assortie de la confiscation de l’animal.

Entre satire et indignation : une société qui résiste

Face à cette annonce, la réaction de la population ne s’est pas fait attendre. Le quotidien réformateur Shargh évoque un projet susceptible de générer « chaos, corruption et désobéissance collective », estimant que la présence d’animaux dans les foyers est devenue un fait culturel établi, notamment au sein des classes moyennes et supérieures.

À Téhéran, il n’est pas rare de croiser des chiens promenés dans les rues des quartiers huppés. Sur les réseaux sociaux, la riposte prend souvent une forme satirique. Une journaliste ironise : « Combien de fois des chats ont essayé de vous dévorer ? ». D’autres partagent des clichés humoristiques de leurs animaux, renommés avec dérision — « assassin » ou « agent subversif ».

Dans ce climat tendu, la peur des représailles reste bien réelle. Une actrice engagée dans la défense des animaux a confié, sous anonymat, avoir renoncé à organiser une manifestation devant le Parlement, face à l’hostilité croissante et aux pressions indirectes.

Une proposition contestée, même au sein du Parlement

Politiquement, le projet ne fait pas l’unanimité. Peu de signataires s’expriment ouvertement pour en défendre les termes. Moussa Ghazanfarabadi, président de la commission judiciaire du Parlement, nuance : « Je suis d’accord avec le projet en général, mais en désaccord avec certaines clauses », avant de rappeler qu’il ne s’agit pour l’instant que d’une proposition de loi, dont l’issue reste incertaine.

D’autres élus, comme Somayeh Rifieï, députée écologiste de Téhéran, adoptent une position plus équilibrée. Elle reconnaît l’importance de réglementer ce domaine, tout en regrettant que la proposition actuelle focalise exclusivement sur la criminalisation, sans prendre en compte les services rendus par les animaux, ni les impératifs de biodiversité.

Une ligne de fracture sociétale

Ce projet de loi met en lumière une ligne de fracture croissante entre une partie conservatrice du pouvoir iranien et une société en mutation, plus urbaine, plus connectée, et de plus en plus sensible aux questions de bien-être animal et de libertés individuelles.

Derrière la volonté affichée de défendre un mode de vie islamique traditionnel, c’est une tentative plus large de restreindre les libertés culturelles et sociales qui se dessine. Reste à savoir si cette initiative, perçue comme décalée et intrusive, parviendra à franchir les étapes législatives ou finira par s’éteindre sous la pression de l’opinion publique. Pour l’heure, elle illustre surtout une forme de déconnexion entre une frange du pouvoir et les réalités contemporaines de la société iranienne.

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